Voici la fin de ma petite aventure que le lecteur peut suivre en remontant le temps. Au total ce nouveau végétal, inconnu du quartier, a produit trois fruits et des feuilles que je mange quand elles sont très jeunes. Le fruit mûr est creux.
Il se mange farci ou non. Nora qui m’a fait connaître le cyclanthère a cuisné les deux fruits comme en témoigne la photo suivante. Délicieux. La farce joue bien sûr un grand rôle !
Il avait lentement, longuement, difficilement, écrit. Il avait repris dix fois, vingt fois même peut-être, les pages écrites. Il avait pesé les mots, modifié son plan, raccourci ou allongé ses chapitres. Plus il allait plus l’écriture le satisfaisait, moins il pensait son texte publiable. Une diffusion même pour ses proches, surtout pour ses proches d’ailleurs, lui semblait inutile. Serait-il compris ? Que leur apporterait-il ? Pourtant c’était pour eux qu’il s’était lancé ? Pour ses proches ? S’il le croyait au départ, Il en doutait de plus en plus. En réalité il écrivait pour lui – n’écrit-on pas pour soi d’abord ? Pour soi, pas pour les autres.
Une fois l’aventure terminée, il n’éprouva plus l’envie de communiquer ce qui était pour lui le résultat de tant d’efforts. Que faire de cette œuvre ? La question ne le taraudait plus. L’écriture l’avait soulagé, guéri même. Il doutait de l’intérêt pour les autres de cette plongée intime.
Devait-il brûler l’œuvre ?
Il ne le savait pas.
Il l’imprima, la relia, la fourra dans un tiroir. Il en garda le texte dans un des dossiers du ventre de son ordi, là il enfouissait ses textes. Peut-on demander à un écrivain de détruire son œuvre ? A un peintre de brûler ses toiles ? Ecrit-on seulement pour soi ?
Des années durant, il se posa cette question : dois-je détruire ce texte tellement intime ? Le lecteur risquera de le juger inconvenant, exhibitionniste, impudique et prétentieux, pire, insignifiant !
Il mourut sans la réponse car il n’avait jamais fait lire ce document.
N’était-ce pas la preuve de sa pusillanimité qu’il s’était reprochée toute sa vie ? Un véritable écrivain a le courage, qu’il n’eut pas, de détruire son œuvre ou de la publier. Ne rien décider n’est-ce pas la preuve d’une peur irraisonnée mais bien présente encore ? N’était-ce pas la preuve qu’il n’avait pas complètement guéri de l’anxiété qui le poussa, jadis, à écrire ce récit ?
Ses descendants placeraient-il les lignes qui précèdent en tête du récit qu’ils publieraient ?
Quand Anne m’ a parlé de son projet de publier certains de ses textes, nous sous sommes promenés sur internet pour regarder les sites concernés. De fil en aiguille nous avons abordé la question de la couverture du livre. Je lui ai proposé mon aide. Comme elle avait de moi un tableau qu’elle aimait beaucoup nous l’avons utilisé en réalisant la couverture à deux.
Quant au texte, je l’ai beaucoup aimé. Je l’ai trouvé excellent et j’adhère au texte de la 4e de couverture avec mes excuses pour le flou)
JS
On peut se procurer le livre à la Librairie du square Lamôme à Versailles l
Devant Charles, de petits machins noirauds, à l’assise cylindrique, dont la tête en coupole aplatie pourrait appartenir à de jeunes cèpes tête de nègre qui viendraient à peine d’émerger du sol. Ou bien, de tels bidules seraient-ils des boules de lave refroidie et craquelée, trouvées au flanc d’un de nos volcans démoniaques, ou, plus étrange encore, sur quelque planète inhabitée ?
La réalité est plus simple, triviale et ménagère. Ce sont des pâtisseries au chocolat, d’un noir homogène, d’une forme trop régulière pour être le fruit de la nature.
Annie les a confectionnées, ce matin même, pour son ami.
Il saisit l’une d’elles et la hume. Le parfum en est profond, exotique et brutal. Charles la soupèse. Sa légèreté lui suggère l’emploi de la farine. Son amie lui apprend qu’elle a utilisé aussi de l’amande en poudre, d’où la texture grenue du gâteau. Il en croque une bonne moitié qui emplit maintenant sa bouche. Sa langue explore le mélange savant et les miettes du gâteau. Il salive. Le goût du chocolat noir, amer et fort, domine celui, imperceptible, de l’amande délicate. Cette merveille odorante le renvoie à l’Afrique tropicale et à son enfance. Pour le consoler de peines enfantines, on lui donnait cette friandise cuite à la maison. Il en observait religieusement la fabrication et se réjouissait de la voir sortir du four à l’haleine sucrée et brûlante.
Charles avale la portion qui reste devant lui, avide de jouir de l’arrière-goût de cette petite chose savoureuse au parfum si prononcé. Il se ressert et se souvient, alors, de la tablette de chocolat noir que lui offraient, le dimanche, ses correspondants et qu’il dévorait le soir même après avoir retrouvé sa pension, incapable de maîtriser sa gourmandise et apaisant ainsi, peut-être, son chagrin d’avoir à reprendre la vie monotone et triste du pensionnat.
Il remercie Annie, l’embrasse et enfouit son visage dans sa chevelure noire dont il respire le parfum grisant.
– Que donnerait la même recette avec le chocolat au lait, se demande-t-il ?
Hubert Raucourt, généalogiste amateur, laisse à sa mort, les dossiers de ses recherches. Dans l’un d’eux, il soulève le cas d’un certain Pierre qui porte son nom, d’une branche voisine de la sienne.
Il s’aperçoit qu’il n’a rien au sujet de ce parent si ce n’est sa date de naissance. Il rencontre alors ses arrières petits-neveux. Les mieux informés lui font part de la légende familiale selon la quelle cet ancêtre était un mauvais garçon parti au Canada aux alentours de 1890 où il trouva la mort. Notre enquêteur est autorisé à fouiller dans la malle des vieux papiers conservés dans le grenier de la demeure ancestrale. Grâce aux lettres, il dispose alors d’un tableau évocateur.
Henriette, la mère de l’intéressé, veuve de son notaire de mari depuis 1880, devait élever ses enfants, Pierre, Clémence et Albert. L’étude était temporairement confiée au premier clerc. La famille vivait aussi du domaine rattaché à la demeure ancestrale. Mais les temps étaient durs : la fortune avait été laminée par la terrible crise des années 1880-1890, bien oubliée depuis. Henriette, au caractère épouvantable, adulait son fils aîné. Jeanne préparait son trousseau et Albert, au séminaire où il était inscrit par mesure d’économie, se préparait à reprendre l’étude à sa majorité. Les Raucourt habitaient un modeste village bourguignon où se réunissaient et s’invitaient les membres de la petite société bourgeoise locale. Henriette faisait tout pour maintenir son rang, mais, à la maison, c’était la misère en col blanc. Dans ces mêmes années, le chef-lieu du canton devenait une petite ville ouvrière nourrie par le canal et surtout par le chemin de fer, un monde anticlérical et rouge. Pierre selon les lambeaux de la légende, ne faisait rien, si ce n’est de boire, de lutiner les filles et d’accumuler des dettes, ne voulant pas, apparemment, reprendre l’étude ou étant incapable de le faire.
Rien sur Pierre. Pas une lettre. Pas une allusion. Quittant les archives familiales, notre généalogiste, passant à d’autres sources, découvre que Pierre a vécu de 1905 à 1942 dans le Centre de la France comme artisan menuisier sans laisser d’enfant !
Stupeur ! Questions.
Comme tout historien mettant au jour le pan entier d’une affaire inconnue, fut-elle minuscule, Hubert se régale de ce secret soigneusement dissimulé. Selon lui, Albert est un jeune homme, jaloux d’un aîné injustement adoré, qui a tout intérêt à ne partager qu’avec sa sœur les biens familiaux. Or c’est Albert qui, devenu notaire à sa majorité, s’occupe de l’héritage quand sa mère décède au début du 20esiècle et c’est encore lui qui, devenu maire, peut éviter de porter, en marge du registre d’État-civil de la commune, la mention du décès de son frère qui lui a été notifié en 1942. Très suspect !
Dans un texte précis, Hubert, de sa petite écriture fine, relate que ses cousins ne veulent rien savoir de cette histoire car « on n’attente pas à la mémoire d’un mort. » Il écrit devoir abandonner ses recherches.
Albert, notaire et maire, reste donc pour ses descendants un homme intègre, très moral, très autoritaire, très rigide, d’une vertu sans faille.
Ce n’est pas tout. Hubert laisse aussi un texte où il tente d’expliquer cette étrange disparition sans mettre en cause les turpitudes possibles de son frère. N’est-elle pas organisée avec son accord ? Pourquoi n’exige-t-il pas sa part d’héritage à la mort de sa mère ? Pour notre généalogiste, cet aîné, supposé disparu, a consenti à son exil sans retour. Peut-être à la suite d’un conseil de famille motivé par ses dettes, son inconduite, ou quelque chose de plus grave comme une rixe voire, ou, horreur, l’intervention du sous-préfet et des gendarmes parce qu’il s’est compromis dans une sombre affaire anarchiste.
Nous, nous avons une autre explication à la fuite de Pierre : il a séduit une fille du pays, est le père d’un enfant né dans le coin – au village même, peut-être, la famille l’a éloigné alors avec son accord, tout en dotant la jeune mère et en s’occupant de l’enfant, il a des descendants en Bourgogne qui ignorent tout de lui.
N’est-ce pas un comble qu’Hubert, qui a passé tant d’années à établir des filiations, taise l’existence possible d’une descendance de Pierre ? Poids du secret de famille sur l’inconscient de notre historien familial ?
Fallait-il tuer Christophe Dautheuil pour cette histoire de famille ?
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À Versailles : Librairies Antoine et La Vagabonde
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Et chez l'auteur, contact par mail.
Fred
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