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juillet 12th, 2012 par Jean Sebillotte

Lors d’une longue conversation téléphonique avec Philippe M., j’évoque un poème en cours traitant de l’Homme au seuil du nouveau millénaire.

― J’ai imprimé, me dit-il, le texte splendide de l’Ode à l’Homme dans l’Antigone de Sophocle. Il correspond à ce que tu évoques.

Il m’en fait la lecture.

― Peux-tu me passer ce texte ?

Il me promet de le chercher dans son magma, c’est-à-dire dans son ordinateur dont l’ordre lui semble perfectible. Ses investigations sont fructueuses puisque je reçois le texte le soir même. Le voici, ami lecteur.

                                          ODE   A   L’HOMME

 » Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme.

 

Il est l’être qui sait traverser la mer grise, à l’heure où souffle le vent du Sud et ses orages, et qui va son chemin au milieu des abîmes que lui ouvrent les flots soulevés. Il est l’être qui tourmente la déesse auguste entre toutes, la Terre,

 

la Terre éternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont chaque année la sillonnant sans répit, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales.

Les oiseaux étourdis, il les enserre et il les prend,

tout comme le gibier des champs et les poissons peuplant les mers, dans les mailles de ses filets,

l’homme à l’esprit ingénieux. Par ses engins il se rend maître

de l’animal sauvage qui va courant les monts, et, le moment venu, il mettra sous le joug et le cheval à l’épaisse crinière et l’infatigable taureau des montagnes.

 

Parole, pensée vite comme le vent, aspirations d’où naissent les cités, tout cela il se l’est enseigné à lui-même, aussi bien qu’il a su, en se faisant un gîte,

se dérober aux traits du gel ou de la pluie, cruels à ceux qui n’ont d’autres toits que le ciel ?

Bien armé contre tout, il ne se voit désarmé contre rien de ce que peut lui offrir l’avenir. Contre la mort seule,

il n’aura jamais de charme permettant de lui échapper, bien qu’il ait déjà su contre les maladies les plus opiniâtres imaginer plus d’un remède.

 

Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toute espérance, il peut prendre ensuite la route du mal comme du bien.

Qu’il fasse donc dans ce savoir une part aux lois de son pays et à la justice des dieux, à laquelle il a juré foi !

Il montera alors très haut au-dessus de sa cité, tandis qu’il s’exclut de cette cité le jour où il laisse le crime le contaminer par bravade.

Ah ! Qu’il n’ait plus de place alors à mon foyer ni parmi mes amis, si c’est là comme il se comporte ! »

                                                                                    SOPHOCLE (549-406 av.JC) dans « ANTIGONE »(442)

 

PS – Traduction, semble-t-il, de Paul Mazon. On peut se reporter à l’article suivant http://www.philolog.fr/lhymne-a-lhomme-sophocle/

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juillet 5th, 2012 par Jean Sebillotte

 

Je livre à la sagacité du lecteur un échange tout récent par courriels

« La lecture de ton blog -dont je te remercie- m’a instantanément fait
penser à la conclusion que Saint Exupéry donne à son œuvre majeure
« Citadelle »: deux amis jardiniers, séparés dans l’espace et le temps par les
hasards de la vie, parviennent enfin à communiquer pour se dire
l’essentiel par ces seuls et simples mots : « ce matin, moi aussi, j’ai
taillé mes rosiers »….
Les bloqs n’existaient pas, sinon Saint Ex n’aurait pas écrit une si
belle page. »

A quoi j’ai répondu :

« B,

M’autorises-tu à faire état de ta réaction sur ce blog qui, comme ses pairs,
empêcherait Saint Ex, s’il revenait parmi nous, d’écrire de si belles
choses.

J’avoue ne pas saisir tout à fait le raisonnement mais tu dis les choses si
bien !

Jean S. »

Et j’ai reçu la réponse suivante :

« Las! Ma prose ne valorisera pas la tienne ; mais tu es libre: j’autorise.
Je m’explique : certes cette allusion à Saint Ex m’est venue
spontanément ; j’aurais dû ajouter  « et dialectiquement ». J’ai voulu
dire que l’on peut communiquer en profondeur, sans hâte et en peu de
mots. Trop souvent ce n’est pas le cas avec internet et ses sous-
produits trop bavards et trop spontanés. C’est pourtant ce que je fais
par la présente.
Salut!= »

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juin 10th, 2012 par Jean Sebillotte

Voici une page écrite en mars  2012, bien avant que je ne me décide à publier mon livre.

Dois-je chercher un éditeur pour un roman ?

Je viens de clore un bouquin sans avoir l’impression d’avoir rédigé un chef d’œuvre. Dois-je courir les maisons d’édition ? Je m’interroge. Publier à compte d’auteur ? Tout dépend du coût !

Parlons un peu économie.

Le monde de l’internet est très agité par les critiques que font les écrivains à l’édition à compte d’auteur. Il est vrai que des abus sont manifestes dans ce domaine. Mais les écrivains en herbe ne sont-ils pas naïfs ? Ne sont-ils pas comme ces retraités qui se mettent à l’aquarelle  et, munis de quelques pièces sinon médiocres, du moins standard, demandent, de ci de là, à exposer leurs œuvres et découvrent la difficulté de trouver une galerie qui ne leur fasse pas payer, à un prix exorbitant, la location d’un espace où personne ne vient jamais ?

Tout artiste est un producteur (les artistes eux-mêmes parlent de leur « production »). Il faut savoir que les producteurs, dans notre économie (et de tout temps), ont une part extrêmement faible dans la vente finale de leur produit.  Dans un pot de yaourt vendu au consommateur,  quelle est la part du lait payé à l’éleveur ? 5%, 10% ?

Scandale que cette comparaison entre l’artiste et l’éleveur ? Et pourtant tous deux cherchent à vendre leur production. Ils l’offrent. En face il y a la demande dictée par le besoin.

Pour l’éleveur la demande est liée à un besoin immédiat et à caractère vital. Pour l’artiste il n’en va pas de même. Les peintres, par exemple,  savent que leurs travaux sont achetés par ces personnes extraordinaires et rares qui sont sensibles à ce qu’ils créent.  L’oeuvre d’art est un luxe. Les artistes savent qu’il faut se battre pour vendre et qu’il ne revient pas grand choses dans leur bourse une fois leur production vendue. Quand le peintre meurt, il laisse souvent un énorme stock d’œuvres dont ses descendants ne savent que faire, car, contrairement à la légende, à la mort de l’artiste, elles n’ont plus aucune valeur ou si peu. Il faut se faire une raison : sauf pour de rares élus, l’art ne rapporte que bien peu ou rien du tout. Il y a là quelque chose de choquant, je l’admets. Mais pourquoi un écrivain ou une écrivaine gagnerait-il des mille et des cents, lui ou elle qui s’autoproclame artiste ? Que lui doit-on ?

Il y a, me direz-vous, un tas de gens qui vivent sur le dos des artistes ! Exact. L’éleveur vit la même situation et  ne dit pas autre chose !

Mais, et je parle ici des seuls artistes, les galeries ne fermeraient pas en grand nombre, ni les librairies, si leur situation d’intermédiaires était si florissante.

Il reste que certains (les galeries en sont, comme les maisons d’édition) vivent de l’envie qu’ont les artistes d’exposer ou de publier leurs oeuvres, envie légitime et besoin vital pour eux, et en profitent à l’évidence, mais pas toutes !

Il reste le mécénat…qui ne touche que peu de monde.

*

Voici mes réflexions au stade actuel. Il est possible que ce tapuscrit dorme tranquillement chez moi, sauvegardé sur un disque dur ou que je me lance dans l’auto-édition ! J’hésite !

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mai 8th, 2012 par Jean Sebillotte

S’il y a quelque chose qui s’apprend c’est bien le journalisme. Il y a des écoles pour cela. Et pourtant, dans ma vie j’ai exercé, avec d’autres, cette tâche sans formation. Il me semble avoir appris tellement sans en avoir reçu la formation adaptée…à commencer par l’enseignement. Mais ceci est une autre histoire.

Mon premier article de journal a été écrit pour « La France agricole. »  J’ai gardé longtemps cet article dont le titre devait être « L’investissement est nécessaire mais peut conduire à la faillite ». Le texte me venait de mon expérience de conseiller de gestion. Il visait un ami agriculteur et partait de son cas, maquillé bien entendu.

Plus tard, je fus conduit à lancer un « Echo des Nitrates. » Ce fut sur ordre. Il consistait en une feuille recto-verso tirée au ministère de l’environnement et routé par une entreprise. Mes collaborateurs et moi l’avons fait paraître pendant plus de 10 ans à raison de 10 numéros par an. Exercice de concision, choix des thèmes à traiter, illustrations parfois…

A ma retraite j’ai été invité à participer à l’Echo des Nouettes. J’étais poursuivi par les « Echos ! » Ce journal de quartier m’a appris beaucoup. Il a maintenant son site http://echodesnouettes.org/ créé par Alain Roger. On peut y trouver, en archives, quelques numéros. Les autres seront progressivement scannés. Le numéro 50 va paraître en juin.  C’est là un vrai journal qui parait trois fois par an et qui a pour limite le seul quartier de Porchefontaine à Versailles. Sans vantardise, on peut affirmer que c’est là une expérience unique en France. Il existe des journaux de quartier qui sont tout à fait respectables mais qui ont souvent pour support une paroisse, une municipalité qui sont distribués et non vendus..Le nôtre est un vrai journal. Son support : une association. Sa conception : une équipe de journalistes bénévoles la réalise.  Son indépendance : elle est totale, assurée par des recettes suffisantes obtenues par la vente des numéros et la publicité acquise dans le seul quartier. Son orientation : apolitique et a-confessionnelle. Sa vocation profonde : renforcer les liens entre habitants du quartier et participer à son animation. Sa maquette : délibérément « presse people. » Nous bénéficions d’une aide minime mais précieuse de la municipalité et, surtout, de l’appui de l’imprimerie de notre quartier pour la mise en page et l’impression en bichromie de quatre pages sur huit sur papier couché. Des commerçants vendent notre journal prolongeant nos ventes, notamment  sur le marché et à la sortie des écoles. Des abonnés nous soutiennent.

Sur un plan plus personnel, j’ai la chance de pouvoir participer à l’illustration de certains numéros, notamment de la rubrique que je tiens depuis plusieurs années (Balcons et jardins). Sinon je suis mobilisé pour des dossiers ou par tel ou tel évènement. Il m’est arrivé de publier des poèmes.

Un exemple d’illustration ? Un collègue vient de m’écrire : « Je te propose le poème onirique publié dans l’Echo 41, une « rencontre bien singulière »…Mais est-ce vraiment un rêve? Ce très court poème en prose a une demi-douzaine d’interprétations possibles. Le texte ne propose que de rares et insuffisantes pistes. A chacun de se faire son opinion. Tu pourrais rajouter ton excellente illustration de l’époque. » Peut-on refuser une telle demande ?

Une rencontre bien singulière

C’était un soir d’été entre chien et loup à la fontaine des Nouettes.

La clairière est déserte. J’entends soudain des voix mélodieuses qui s’approchent. De mon abri, je vois sortir de la forêt une colonne de femmes en longue robe blanche, une couronne de fleurs dans les cheveux. Elles sont douze et font cercle autour de la fontaine en chantant et en jetant des pétales de fleurs. Le temps semble s’être arrêté. Il n’y a pas un bruissement de feuilles. Tout est silence à côté des incantations dont le sens m’échappe. Les esprits de la forêt retiennent leur souffle. Seuls quelques lueurs illuminent la couverture nuageuse, des éclairs sans tonnerre sans doute. Puis, les dames repartent en sens inverse vers les futaies. Elles semblent glisser sur l’herbe plutôt que marcher. Un instant plus tard elles ont disparu.

A mon tour je m’approche de la fontaine. Il flotte une sensation de calme et de sérénité, et même une légère odeur de jasmin. La fontaine paraît bouillir alors que l’eau est glacée. On aurait dit les prêtresses de la forêt de Brocéliande venues rendre hommage aux pouvoirs magiques de la fontaine de Barenton ou encore une apparition de la déesse gauloise Epona et de ses suivantes. Cette scène est-elle sortie du passé ? Du futur ? Cette manifestation a-t-elle bien eu lieu ce soir et comment l’interpréter ?

Enfin, une légère brise revient, on entend de nouveau les oiseaux. La clairière respire normalement, le ciel est clair, la nature reprend ses droits, les bruits familiers du quartier se manifestent au loin.

Cependant, trois pétales de rose glissent encore à la surface de l’eau…

Michel Duthé

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avril 28th, 2012 par Jean Sebillotte

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