février 4th, 2018 par Jean Sebillotte
Nous apprenions la langue, la rime et la cadence,
Et le mètre des vers, et les chants et la danse.
Nous étions des enfants, inconscients, turbulents,
Qui pratiquaient les jeux qu’ils jugeaient excellents.
Boileau, nous n’apprenions pas assez ton message
Car c’était un devoir, il fallait être sage.
C’est en devenant vieux qu’on admet la raison.
Les ans ralentissant nous octroient des saisons
Qui donnent le loisir de polir notre langue,
D’écrire sereinement dans un monde qui tangue.
A mon âge avancé, je reviens aux anciens,
Les savants, les instruits, les académiciens.
Voilà pourquoi, Boileau, je retrouve ta science.
Et, à tes préceptes, vois, je fais allégeance.
Cependant après toi tout serait-il ringard,
Et fixées pour toujours les règles de notre art ?
Elles ont leur intérêt, qui n’est plus à prouver,
Mais il y a des ailleurs insolites à trouver.
Et je n’aime pas que tu t’en prennes à Ronsard.
Tu es bon poète, mais, là, bien trop vachard.
JS – 31 janvier 2018
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Boileau, Epître, Jean Sebillotte, poème
décembre 15th, 2015 par Jean Sebillotte
Poésie et prose, voilà un gisement de sujets de dissertation. Voir des corrigés sur internet et, probablement, dans des annales littéraires ! À l’autodidacte que je suis, tout paraît neuf et tout semble avoir été dit sur l’écriture qu’elle soit de prose ou de poésie. Pourtant, je la vis cette écriture, je la pratique et l’expérimente… Et je constate que de m’atteler au roman, me rend plus difficile la poésie.
La difficulté vient-elle de l’intrigue ? Comment écrire 200 pages sans elle ? Vient-elle des personnages ? En poésie, le « je » me semble prédominer. Dans le roman, il s’agit de faire s’exprimer des personnages et de les habiter. Ainsi, certains, peu nombreux, ont jugé Fred peu crédible. Il me semble, pour synthétiser les critiques, qu’il est « trop ». J’aurais dû peut-être le simplifier et mieux l’expliquer. Avec sa femme, il aurait dû se cultiver, s’inscrire dans un groupe d’écriture, lire beaucoup en ayant un petit boulot alimentaire. Sa passion littéraire d’autodidacte l’aurait poussé vers le 6e de façon plus crédible comme ses relations avec René et Ingrid. Son passé de résilient aurait expliqué son attirance-répulsion pour le monde des SDF… Cette personnalité si riche aurait été mieux comprise.
Peut-être…
Imagine-t-on ces problèmes quand on écrit de la poésie ? Les pièces que j’aime écrire sont brèves. L’écriture en est ardue. Il m’est arrivé de mettre quatre ans à résoudre le problème que me posait un quatrain !
Cet été, Terpsychore, association de poètes, m’a demandé un poème. J’étais en province, fort démuni. J’ai accédé à mes « réserves », assez insuffisantes je penses, et j’ai fourni le poème suivant :
À l’été
Étonnante cornue,
L’été, en nos logis,
Réchauffe nos corps nus
Qu’il délaisse rougis,
Allongés et brûlants,
Aux désirs inassouvis,
Aux pensers indolents
Aux secrètes envies.
Étranges nudités
Fantasmes inavoués
Moiteurs imméritées,
Aux siestes dévoués.
Été des volets clos
De la lumière rare
Des gestes à peine éclos
Des caresses sans fards,
Que j’aime ta chaleur.
Mais,
S’en vient subreptice,
L’Équinoxe voleur,
Ce cadeau du solstice,
Nous noyer de ses pluies
Pour emplir à nouveau
Nos nappes et nos puits
Qu’il remet à niveau.
Ce texte insuffisamment travaillé, rédigé peut-être dans la hâte, une fois édité (Anthologie poétique Terpsychore n°75), m’a laissé insatisfait. J’y suis prisonnier de la rime, de l’alternance et des six pieds retenus. Je viens, alors que mon roman est en stand by, en situation d’attente pour relecture, de me remettre à travailler ce poème. En voici la forme améliorée, plus libre et, pour moi, plus poétique car plus musicale et plus légère :
Étés
Des corps nus,
Rougis et brûlants,
Étés inassouvis
De pensers indolents,
De secrètes envies,
De fantasmes inavoués,
De moiteurs imméritées,
Étés
Des volets clos,
De la lumière rare,
Des caresses sans fards,
Étés,
Aux siestes voués,
Étés,
Étonnantes cornues,
Étés,
Méfiez vous :
L’équinoxe et le solstice,
Ces retors,
Subreptices
Et voleurs,
Viendront rendre froides des ardeurs
Et geler des remords
Qu’ici j’avoue.
Faut-il pour la prose un tel travail ? Je ne le sais pas. Mais je sais maintenant combien il m’est difficile d’écrire un roman avec une écriture poétique.
J’en admire encore plus Victor Hugo, grand poète et grand prosateur. Qui conteste son génie ? Cela va bien au-delà des questions techniques. Mais il m’apparaît qu’il avait ce don extraordinaire d’utiliser l’ensemble des figures de styles dont les poètes sont friands, qui vont de l’antiphrase à la synecdoque (Les voiles au loin descendent vers Honfleur) en passant par l’antithèse (…un homme est là… Qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile…). Et dans sa prose, il était capable de la même performance. Combien de phrases des Misérables sont des alexandrins fort bien balancés.
Bref, j’ai beaucoup à apprendre et il est bien tard dans ma vie !
Jean Sebillotte
http://www.espacefrancais.com/les-figures-de-style/#La-synecdoque
http://www.poesie-terpsichore.eu/
Publié dans Ecriture, Poesie, Roman Etiquette: écriture, poème, Prose, Terpsichore
avril 6th, 2013 par Jean Sebillotte
Sollicité pour participer à une anthologie de la Société des Auteurs et Poètes de la Francophonie, j’ai donné ce poème inspiré de l’Ode à l’Homme de Sophocle, citée dans le blog en juillet 2012. J’en ai fait une « Adresse aux hommes au seuil du second millénaire. »
« Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme. »
Celui que tu chantes, Sophocle d’Ellas, n’est plus, deux fois hélas, qu’un seigneur désenchanté, par milliards multiplié, qui pille les mers, épuise les terres, réchauffe l’atmosphère, vide le monde à lui livré.
Comment arrêter cette folle course de fous déjantés se foutant de l’hiver quand ils sont en été ?
Qu’importe aux humains immatures ce que sera la nature, demain, au terme de leur course ? Ils vivent, avides, pour gonfler leur bourse, esclaves de leurs désirs sans attendre les lendemains !
Qu’importent, poètes sans luths, vos chants et vos luttes, sévères à vos yeux mais futiles aux leurs ? Est-il utile d’invoquer les Dieux peuplant des cieux qu’ils croient vides ?
Depuis toujours on tue les prophètes qui font le bilan de l’humaine folie. Mais d’autres se lèvent maintenant avertir les hommes qu’ils abrègent leur futur en gaspillant des ressources pensées infinies !
Savent-ils bien ― eux qui croient parfois la terre plate et l’homme créé en six jours, eux les pires prédateurs que la terre ait connus ― que la loi implacable de l’évolution les a déjà condamnés au sort de leurs prédécesseurs ?
Peut-on alors espérer qu’ils utilisent les progrès de leurs sciences pour permettre à leur équipée, encore brève, de s’achever dans la paix, la liberté, l’amour et la fraternité ?
Faut-il être poète pour vouloir aux siens une fin digne ou faut-il que le mal tragique accompagne encore les millénaires qui leur restent à vivre ?
Mais peut-être, Sophocle, l’homme, cette merveille, a ceci de sage qu’il vit dans l’instant, laissant à ses enfants, de générations en générations, les problèmes qu’il suscite. Car, à s’envisager condamnés, pourquoi donc être vertueux ?
Posez vos questions, n’attendez pas de réponses !
Jean Sebillotte
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Adresse aux hommes, poème, seuil du second millénaire, Sophocle
novembre 18th, 2012 par Jean Sebillotte
Ce poème a été réécrit de nombreuses fois. Inaccompli, je l’ai présenté à un concours. Ce fut une erreur, il n’était pas abouti. Il arrive que je reprenne dix à quinze fois un texte modeste. J’envie la fulgurance de certains. Elle n’est pas mon lot !
Amour
Que là-bas grondent les guépards !
Que chantent aussi les merles,
Tout près de l’eau qui coule,
Brillant comme l’étain,
Tourbillon qui roucoule,
Qui s’en vient et repart,
Qui va dans le lointain
Pays des songes et des perles !
Que dans les bois brament les daims !
Qu’il s écoutent ma harpe,
Qu’ils boivent tout l’étang
Où baigne mon désir.
Et que sautent les carpes,
Sans craindre mon dédain.
Mon amour à saisir
Est la rive où je m’étends !
Et que dansent les libellules !
Toi, l’onde soyeuse,
Messagère adroite,
Dis-lui bien que j’avoue
Ma passion si joyeuse,
L’amour que je lui voue,
Qu’au vent frais je le hurle,
Au dessus de l’eau qui miroite !
2011-2012
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Amour, eau, Jean Sebillotte, poème