décembre 25th, 2014 par Jean Sebillotte

Certains ne veulent pas croire que j’ai arrêté de peindre, ils ont raison. J’ai peint un petit tableau récemment… Un atelier de vieux copains nous réunit certains lundis. Pendant fort longtemps nous avions un modèle vivant à dessiner. Parfois, rarement, nous peignions. Les effectifs se sont réduits. Nous cultivons la nature morte… surtout en hiver où l’atelier est long à chauffer. Là, je mène une recherche dont je reparlerai.

Dans notre quartier, nous avons un beau journal de huit pages grand format qui en comprend quatre en bichromie.  Nous sommes près du numéro 60 à raison de trois numéros l’an. J’y participe depuis plus de 17 ans ! J’en ai déjà parlé dans ce blog. Il a été à l’origine de mon envie d’écrire. À force de peaufiner les textes…

Très tôt il me fut demandé d’illustrer ce canard. Parfois, pour ma rubrique Balcon et jardins, j’exécute un dessin de façon fort libre. Le dessin a l’intérêt de permettre toutes sortes de styles à la différence de la peinture et peut-être aussi de l’écriture, bien que les dialogues permettent des variations de forme assez captivantes (Oh ! Zola). La poésie aussi,  si on change les contraintes (voir avant -dernier article). Voici quelques exemples récents d’illustrations.

Hellébore-  dessin JS-copie  Jardin à la La Française-Lenôtre-Echo 55

berthelot-1976-La maison-dessin-1  Jardin de mme X-2

 

Il me faudrait aussi évoquer la commande d’une illustration et la diiculté d’y répondre. Sans être Plantu, j’ai quelque part un recueil de dessins refusés… publiés ensuite sans souci du journal.

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décembre 11th, 2014 par Jean Sebillotte

Si Dieu est le créateur de notre univers, il a inventé pour ce dernier, qui lui obéit,

le temps et l’espace, le hasard et les lois. Cet univers obéit au créateur. Sauf peut-être l’Homme.

*

Je joue avec cinq dés. J’ai droit à trois lancers.

Premier lancer : deux trois sortent. Les autres nombres sont un, quatre, six. J’ai une paire. Avec un nouveau lancer des trois dés qui n’affichent pas un trois, je peux espérer réaliser un brelan, un carré, un yam ou tenter un full ou une suite.

Deuxième lancer : un trois sort. J’ai un brelan sur le tapis. Je peux espérer le coup suivant un carré, un full, un yam. Je ne peux plus avoir une suite.

Troisième lancer : les deux dés me donnent un trois et un quatre. J’obtiens un carré.

J’entame une seconde partie. Etc.

À chaque lancer le hasard détermine le résultat. Il s’impose à moi. Je ne peux rien prévoir. Je peux seulement parier. Si je jouais un nombre très élevé de fois, le résultat tendrait  statistiquement vers ce que déterminent les lois de probabilité. Là, je peux m’appuyer sur le fait qu’il est plus probable que j’obtienne un double plutôt qu’un brelan, un carré plutôt qu’un brelan, etc. Mais il reste qu’à chaque lancer, c’est le hasard qui me donne plus ou moins de réussite.

*

 Dieu ne joue pas aux dés, a dit Einstein mal à l’aise avec le hasard dans la science. Qu’en sait ce savant ? Je crois que Dieu doit jouer aux dés. Il se soumet ainsi au hasard et c’est le propre de ce jeu-là, son seul intérêt.

Mais Dieu est-il prisonnier de l’univers qu’il a créé ? Il a donné en partage au monde le hasard qui régit le mouvement des particules, le jeu de dés, la distribution des cartes.

Si Dieu sait à l’avance le résultat de mes lancers de dés, il peut mesurer ma chance.

Mais peut-il  influencer ma partie ? Ce serait s’opposer à sa propre création .  Que comprendraient les hommes si Dieu à chaque lancer changeait la règle, s’il abolissait à sa guise le temps et l’espace, le hasard et les lois ?

Dieu respecte sa création.

En est-il prisonnier ?

 *

 Et alors, dit mon interlocuteur, que fais-tu de Jésus qui naît d’une vierge, qui a Dieu pour père ?

– Ça, c’est un miracle, lui dis-je.

– Alors Dieu ne respecte pas les lois du monde, me rétorque l’autre.

– C’est ça le miracle. Tu n’es pas obligé d’y croire ! Dieu te laisse libre. Le hasard s’impose à toi, créature enfermée dans ce monde et ses lois. Mais, lui, n’a-t-il pas le droit de faire des miracles ?

– Ça me choque.

JeanSebillotte – Novembre-décembre  2014

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décembre 5th, 2014 par Jean Sebillotte

Espionnage

Ceci est une pure fiction et toute ressemblance avec des faits et des personnes réels  n’est qu’une coïncidence malencontreuse  (Note de l’auteur).

*

 L’affaire éclata comme une bombe : un homme politique célèbre, H, aurait abusé d’une femme dans un grand hôtel de New York. Scandale mondial. L’homme était puissant. Il pouvait espérer une place de président dans son propre pays.  Certains de ses amis s’y employaient.

C’est ce que nous ont raconté les médias. On nous a servi une histoire qui révélait la faiblesse d’un grand leader. Voilà une star de la politique, qui aurait violé une pauvre femme de chambre. Quel délicieux fumet d’un scandale dans l’upper class ! Gravissime. Du pain béni pour ces États-uniens qui, s’ils ne badinent pas avec la morale sexuelle, adorent les armes à feu et s’en servent volontiers…Ne sont-ils pas d’hypocrites donneurs de leçons ? La violence OK,  but the sex is horrible.

Cette histoire a passionné les USA et le monde. Sexe, violence, pouvoir et argent, que rêver de mieux ?

Tout se passait en effet dans un monde où le luxe est banal et non dans quelque sordide ou anonyme banlieue. Et voilà un homme puissant condamné de façon préventive à de la prison et au bracelet électronique, gardé jour et nuit par des hommes qu’il devait payer ! Présumé coupable, à lui de se défendre ! C’est ainsi que vont les choses de la justice Outre-Atlantique.

*

Inutile de repasser ici un feuilleton que certains ont suivi avec passion. Le « grand H », sortant tout nu de sa salle de bain, saute sur  cette pauvre F. qui,  cependant, a continué le ménage d’une autre chambre après avoir été ainsi violentée. H s’en va prendre tranquillement son avion. Il est arrêté à l’aéroport.

Pourtant, à écouter les infos à suivre les tables rondes, que sait-on d’objectif ?

C’est autrement qu’il faut aborder l’affaire..

*

Seul Norbert Granger eut le courage d’affronter la  vérité en prenant les choses à l’envers. Il était parti de constats simples.

Les USA regorgeaient d’institutions d’espionnage plus ou moins étoffées. Les officielles, CIA , NSA et autres, mais aussi services de l’armée de terre, de l’armée de mer, de l’armée de l’air, jusqu’à des officines sans nom plus ou moins reliées aux précédentes, chargées d’espionner les instituts officiels… Bref aux USA, comme partout, il existait un monde de l’ombre qui bénéficiait soit de privilèges explicites, soit de complicités entre personnages très haut placés, des gens qui n’étaient jamais sur le devant de la scène et qui échappaient aux lois ordinaires.

Dans ce pays vertueux régnait l’omnipotence des instances judiciaires, avec un droit coutumier, avec des instances juridiques multiples jusqu’au niveau suprême, occupées à appliquer des lois contradictoires, empêtrées dans un maquis juridique toujours plus confus avec des situations inextricables.  Ainsi des humains étaient emprisonnés à Guantanamo,  au vu et au su de tous, sans pouvoir être jugés aux Etats-Unis eux-mêmes ! Ils étaient en effet hors du champ juridique… pour des raisons juridiques. Ils semblaient condamnés à demeurer là ad vitam aeternam, au vu et au su du monde entier.

Où était la justice là-dedans ? Qu’il jette le premier pavé, celui qui pourrait  expliquer cette situation. On croyait savoir ce qu’était  la Justice, cette valeur universelle, comprise de tous. Or les juges américains, eux, disait-on, ne jugeaient pas vraiment, ils arbitraient le combat qui se déroulait devant eux selon les lois en vigueur. L’accusé se défendait contre un procureur. Il pouvait passer des accords en indemnisant grassement les victimes réelles ou supposés.

Mais revenons à Granger.

La manière même dont le scandale avait été géré était tellement embrouillée que l’on pouvait penser que c’était exprès. Ce fut la conclusion de Granger : cet embrouillamini était une habile construction, un véritable jeu d’acteurs chevronnés.

Selon lui, tous, le « grand H », la femme de chambre, les avocats, le procureur, la police bien entendu, étaient de mèche. C’était une vraie pièce qui avait été jouée au monde entier. Ce n’était pas un complot comme certains l’ont cru mais une comédie fort bien montée, fort bien jouée.

Il faudrait un livre entier pour entrer dans les détails. Disons l’essentiel.

Le « grand H » est tout bêtement un espion ! Au service de qui ? Là Granger hésite. Il y a plusieurs pistes possibles. Pouvaient être en cause les services du Mossad et certains services américains. « H » aurait été recruté très jeune comme agent dormant, un agent que l’on peut « activer » des dizaines d’années après. Pour le recruter, les services auraient exploité des affaires qui pouvait compromette sa brillante carrière d’universitaire. Une fois devenu agent secret à son corpos défendant, il pouvait se révéler utile à certains moments pour les gens qui l’avaient piégé, d(utiliser cette vieille affaire oubliée de tous .

Cela Granger en faisait l’hypothèse car il est difficile de dépister un agent dormant !  Mais cette thèse expliquait bien l’imbroglio. Granger, s’il ne démontrait rien, donnait à ce propos des informations déroutantes qu’il serait trop long de détailler ici.

Résumons.

La  femme du « grand H » ? Elle était, elle aussi, un agent secret placé auprès de H, au point de l’avoir épousé. Cette femme, aimante certes, était aussi au besoin garde du corps et correspondante chargée de rendre compte.

L’agent traitant de « H » ? Un ex-conseiller de l’ambassade américaine à Paris, maintenant décédé, mais relayé aux USA, ce qui expliquait le passage à New York masqué par des considérations familiales.

F ? Cette femme était un agent du service américain impliqué, allié pour la circonstance à la CIA.

Les responsables de l’enquête ? « Approchés » de façon convenable, on leur avait vite fait comprendre qu’ils avaient affaire à une question touchant à la sécurité des USA. Ils étaient obligés d’obéir à de plus puissants qu’eux ! « Qui vous savez » couvrait l’affaire, leur avait-on dit. Les agents secrets ont le pouvoir d’enlever, de torturer, d’exfiltrer de leurs pays les ennemis du peuple américain. On parle de la Bastille. On daube sur le pouvoir absolu de nos rois… Qu’en est-il actuellement ? Pensez à Guantanamo.

Le procureur ? Un honnête élu, bien entendu mais lui aussi « averti » de son devoir.

Les avocats ? Tenus à l’écart. Ceux du grand H étaient assez fins pour deviner l’embrouille et s’en servir pour leur client, leur réputation n’étant entachée en rien. Celui de F. était surtout intéressé par l’odeur des dollars d’un procès au civil.

Les médias ? Manipulés et agités. Une telle affaire !

Le juge ?  Intègre et si ce n’est dupé, du moins empêché d’intervenir véritablement. Le système, nous l’avons dit, ne lui donnait guère de liberté.

*

Avec cette approche de Granger tout ne devient-il pas apparent ?

F. accumule les fausses déclarations. Devient un témoin peu fiable. Le « grand H » joue la victime, ses amis pointent l’absence de la  présomption d’innocence dans la justice américaine. Il est  soutenu bien entendu par sa femme malgré des torts connus de tous. Il perd tout dans l’affaire : son destin national, son job du moment, sa réputation. Les services le tiennent toujours par des dossiers rendant impossible sa destinée glorieuse.  La police, elle, n’a rien à perdre : n’a-t-elle pas très vite agi sans égards pour le puissant H ? Cela ne rassure-t-il pas l’Amérique ?  Ses valeurs de Justice et d’Egalité des citoyens devant la Loi  sont sauves (il faut de temps en temps faire oublier les statistiques accablantes sur ce point). Même avantage pour le procureur.

Pourquoi monter un tel spectacle à ce moment-là ? Evidemment pour empêcher H, cet agent secret dormant, d’accéder au plus haut poste politique d’un pays qui est quand même un ami. Le « grand H » ne risque-il pas de devenir un danger pour les services secrets et pour les USA eux-mêmes ?  Il vaut  mieux « exécuter » l’agent sans le tuer, ce qui aurait eu des inconvénients évidents.

Le « grand H » peut-il se défendre ? Impossible… Il peut tout juste limiter la somme qu’il doit payer. Sa réputation est  perdue mais il est vivant !

Ayant établi ou plutôt rétabli cette histoire, Granger ne peut, bien entendu, ni l’exposer ni, encore moins, l’imposer à qui que ce soit, où que ce soit ! Il ne peut même pas écrire un livre. Les services veillent.

 Jean Sebillotte

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avril 20th, 2013 par Jean Sebillotte

Pour tenter de comprendre mon vécu de jeune auteur et examiner ma situation, je commence à me balader sur la toile. Et voici ce que je trouve sur le site « envied’ecrire.com » et reproduis ici. Il y a quelques temps, j’évoquais Elisabeth George et son livre Mes secrets d’écrivains. Peut-on imaginer des démarches aussi dissemblables ?

Un jour, peut-être, expliquerai-je la façon que j’ai trouvée d’écrire ? Il serait prétention de le faire tant que je n’ai pas trouvé d’éditeur, autre que des gens qui m’ont publié à compte d’auteur. C’est là mon point de vue actuel. Peut-être changerai-je d’avis.  Chi lo sa ?

Les secrets d’écriture de Patrick Modiano

Portrait Modiano0001Né en 1945, Patrick Modiano est l’auteur d’une trentaine de romans publiés pour la plupart chez Gallimard. C’est en 1967 qu’il publie La Place de l’étoile, son premier roman sur l’Occupation couronné du prix Roger Nimier. Après La Ronde de nuit de 1969, il reçoit en 1972 le Grand prix du roman de l’Académie française pour Les Boulevards de ceinture. En  1978, il parvient à la consécration avec son sixième roman, Rue des boutiques obscures, en recevant le Prix Goncourt.

A l’occasion de la sortie de son roman Horizon en 2010, Patrick Modiano avait accordé un entretien au magazine français Lire.

Relisez-vous vos précédents romans avant d’écrire le nouveau ? Non, mais je suis obligé de le faire lorsque paraissent des éditions de poche. C’est très désagréable. J’ai toujours envie de corriger certains détails. C’est le problème des livres qui ont été écrits très jeune, c’est-à-dire jusqu’à 35 ou 40 ans. Vingt ans après, les lire procure un drôle d’effet. Semblable à celui que l’on ressent quand, à 60 ans, on se voit dans un film ou un documentaire à l’âge de 20 ou 30 ans… C’est très bizarre. Et cela interroge la question de l’âge. Je me demande ce que ressentent les vieux comédiens qui se revoient dans des films tournés lorsqu’ils avaient 20 ans. Ça doit être très dérangeant, non ? Se reconnaît-on ? Qui reconnaît-on ? J’ai l’impression que ce sentiment dérangeant se stabilise à partir de 45 ans. A cet âge, il peut encore y avoir des changements terribles, mais, pour l’essentiel, tout est joué.

Où situez-vous la frontière entre la fiction et le récit ?  Le point de départ est toujours quelque chose de très précis qui ne relève pas de la fiction. Un détail. Ou une scène. Quelque chose qui a véritablement eu lieu. Un morceau de réalité. Après, je mélange ces bribes de réel à ce qu’elles auraient pu devenir. Et ça devient une sorte de fiction. L’horizon est né de cette façon : la scène primitive est une scène où je voyais quelqu’un attendre une autre personne à la sortie d’un bureau.

Comment écrivez-vous ? Je pars du concret pour aller vers la fiction. J’utilise souvent le nom de personnes qui ont vraiment existé parce que ça m’aide à soutenir l’échafaudage. Je détourne leurs noms, bien sûr.

Quelle est votre unité première : la phrase, le paragraphe ? La phrase. La première phrase, la plupart du temps. Mais quand on écrit, on part à l’aveuglette. Pendant le premier mois, je me sens très souvent découragé, je me demande si je dois continuer. C’est comme si je conduisais en plein brouillard, sans rien voir devant moi mais je poursuis ma route, sans savoir où aller, avec parfois la sensation ou la crainte de m’être engagé dans une voie sans issue. Mais ce qui est très bizarre, c’est que, quand j’ai cette intuition de m’être engagé sur une fausse route, j’essaie de rattraper la route principale plutôt que de faire marche arrière. Au lieu d’abandonner, de me dire : « C’est une fausse piste, il faut que j’arrête, tant pis », je continue et j’essaie de rattraper la route principale.

Avez-vous connu ce sentiment avec tous vos romans ? Oui, tous. Pour certains, il y a peut-être eu une petite ligne droite… Mais je ne suis pas comme ces écrivains qui tracent le sillon avec constance et confiance. Il y a toujours ou presque ce détour et cette sensation, au dernier moment, d’être comme un trapéziste qui parvient, in extremis, à rattraper le trapèze qu’on lui a lancé.

Par quel moyen (ou quel miracle) retrouvez-vous le chemin ? Comment rattrapez-vous le trapèze ? Par la phrase, justement. Un paragraphe ou une page qui me semblent catastrophiques le soir peuvent être rétablis le lendemain matin par une phrase. Ou en supprimant quelque chose. Mais j’ai, chaque matin, une impression de rattrapage de ce que j’ai fait la veille. Je n’ai jamais connu cette impression d’écrire en ligne droite. C’est comme si vous naviguiez en essayant d’éviter les écueils et que, au dernier moment, vous les contourniez. Utiliser des blocs de réalité, notamment des noms propres de gens que j’ai pu croiser, m’aide à effectuer ce rattrapage. Quelquefois, je cannibalise certains trucs, c’est-à-dire que je me sers de plusieurs segments qui pourraient chacun être un roman différent.

Ce qui explique que le lecteur ait souvent l’impression, à vous lire, que tel ou tel passage pourrait être le point de départ d’un autre roman…Oui, j’en suis tout à fait conscient. Pour essayer de redresser la barre, je me sers de segments qui auraient pu être développés dans des romans ultérieurs mais que j’ai besoin de mettre bout à bout dans celui qui est en cours d’écriture. Je suis comme quelqu’un qui essaie de trouver un dopage artificiel. Je cherche ce qui pourrait me stimuler. En joaillerie, on appelle cela un serti invisible. C’est-à-dire que l’on ne s’aperçoit pas de la mise bout à bout de plusieurs segments, on ne voit que la fluidité. J’essaie de travailler ainsi. Ou plutôt, je ne peux que travailler ainsi. Ce qui me laisse toujours un sentiment assez désagréable.

Mais faut-il déduire de cette méthode que vous n’avez pas un rapport heureux à l’écriture ? Non. Ce qui aggrave mon cas, c’est cette rêverie préalable à tout commencement d’écriture et dont j’ai besoin avant de passer à l’acte. Je suis comme ces gens qui sont au bord d’une piscine et attendent des heures avant de plonger : écrire, pour moi, est quelque chose de désagréable, donc je suis obligé de rêver beaucoup avant de m’y mettre, de trouver des façons de rendre agréable ce travail assez long et difficile, de trouver un dopant. J’ai d’ailleurs compris, maintenant, la raison de l’alcoolisme de beaucoup de grands écrivains : je crois qu’il s’agit de cette perpétuelle baisse de tension et l’alcool fonctionne comme le grand dopant, même quand on a fini d’écrire.

Et vous, quel est votre dopant ? L’alcool ? Non, pas du tout. Je marche beaucoup. Je rêvasse. Je me mets dans une sorte d’état second à partir de morceaux de réalité, souvent du passé, parfois des noms propres. Cette perpétuelle hésitation transparaît peut-être dans mes livres… Je ne me rends pas compte.

Non, justement. (…) Pour arriver à cette fluidité, faites-vous un gros travail de réécriture ? Non. Je corrige parfois quelques phrases, bien sûr, mais lorsque j’ai terminé un livre, je ne le récris pas, je ne fais pas de changements, je ne le reprends pas. Il est écrit.

Quelle est votre discipline ? Si on n’arrive pas à écrire tous les jours, on perd le fil et le découragement s’installe. On se dit « à quoi bon ? » et c’est foutu ! J’écris tous les jours pour ne pas laisser le découragement s’installer en moi. Et parce que j’aurais trop de mal à reprendre après une interruption, même brève. On perd facilement le fil, dans ce genre de travail, vous savez… D’autant que, comme je vous l’ai dit, je ne vois jamais le but vers lequel mes livres tendent. Si je laisse passer un jour, je suis perdu. Je navigue à l’aveuglette, donc je dois naviguer chaque jour, sinon je coule.

Ce qui est frappant, c’est que vous n’avez aucune vue d’ensemble sur le livre que vous êtes en train d’écrire… Oui, en effet. Je sais que la plupart des écrivains savent où ils vont. Enfin, un peu… Moi, pas du tout. Tout en sachant, puisque je parviens, je crois, à redresser la barre.

 

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juin 18th, 2012 par Jean Sebillotte

L’association des artistes de Versailles (ATARVE) ―  une bonne soixantaine de peintres, sculpteurs, photographes, graphistes, etc., ayant leur atelier dans cette ville ― va fêter son 10ème anniversaire en octobre. Son président, Didier Bonnot, et  son bureau ont obtenu que cet anniversaire soit dignement salué : en plus de la Mairie huit autres lieux accueilleront des œuvres, sans oublier celles des ateliers des artistes.

L’évènement fera l’objet d’une large publicité en temps et en heure. D’ores et déjà, le site de l’association l’annonce ( http://atarve.free.fr/wordpress/).

Parmi d’autres partenaires, la bibliothèque centrale prête ses murs et ses espaces. Le thème est, bien entendu  celui du livre et du disque, de la lecture et de la musique. Les artistes intéressés récupèrent les ouvrages et les vinyles dont la bibliothèque est obligée de se débarrasser. A eux d’utiliser ces matériaux.

Challenge pour moi : je me suis lancé dans les collages, poursuivant la piste de l’écrit mêlé à l’image, déjà explorée l’an passé avec mes poésies.  Voici, ci-dessous, une œuvre déjà produite. J’y ai inséré mon premier roman !

 

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