Catégorie: Lectures
mai 6th, 2012 par Jean Sebillotte

Le titre de ce livre d’Hervé Bichat est accrocheur. Il doit se comprendre ainsi : pas de salut pour l’Afrique sans le souci de son agriculture. Pour un ancien de l’Afrique du Nord, le titre est trop large, mais il en va de l’Afrique comme de l’Amérique. Pour beaucoup l’Afrique est noire, le reste ce sont les pays arabes…Ici, l’auteur précise que sa référence est surtout l’Afrique de l’ouest. Agronome, il en parle en connaisseur, lui qui y a vécu, qui a créé et dirigé le CIRAD (centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement) puis a été à la tête de l’INRA avant de diriger l’enseignement agricole français ce que précise la quatrième de couverture.
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La première partie, « L’Afrique n’est pas maudite », réussit le tour de force de dresser un « portrait » très documenté du sud du continent, pourtant tellement hétérogène. Cette partie ramassée (93 pages) a le mérite à mes yeux incompétents de relier présent et passé, de souligner les handicaps et les chances. H. Bichat ne craint pas de comparer entre eux les continents (et leur histoire) sans tomber dans le simplisme. La synthèse est remarquable : cette partie à elle seule mérite la lecture du livre !
La seconde partie de l’ouvrage, moins étoffée ― « Quelques problématiques agricoles africaines » ―, s’adresse à un public plus restreint, plus averti, me semble-t-il.
On y retrouve René Dumont et son livre célèbre (L’Afrique noire est mal partie) dont H. Bichat fait une analyse soigneuse, comme il fait état des erreurs de la banque Mondiale trop exclusivement inspirée de l’Ecole de Chicago qui imprègne la pensée libérale actuellement dominante. Il s’appuie sur l’expérience de la politique agricole commune (la PAC). Il faut de l’Etat à l’agriculture, à ce stade de son développement au moins.
Trois grandes conclusions pour l’action : redonner la priorité au long terme, adapter les régimes fonciers à leur nouvel environnement agro-écologique et social, faire émerger des marchés régionaux agricoles.
HB termine par un appel à « soutenir l’agriculture africaine, car elle sauvera le continent ! » Ceci en respectant les contraintes propres au temps et à l’espace et en convoquant « le meilleur de la recherche agronomique mondiale. »
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C’est là un défi lancé aux Africains et au reste du monde, en gardant présent à l’esprit que ceux-là seront bientôt deux milliards et qu’il auront à se nourrir.
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Ce livre m’a particulièrement concerné car je connais Hervé Bichat depuis 1957 à l’Agro de Paris. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue même si mon parcours professionnel a été métropolitain et plus modeste et n’a croisé le sien qu’en fin de carrière.
J’ai connu René Dumont. J’ai fait avec lui et quelques professeurs, comme élève, un tour de Bretagne, qui m’a marqué pour toujours. La compagne de R. Dumont m’a envoyé à la place de son compagnon alors en fin de vie, une lettre émouvante en réponse à un courrier où je lui faisais part du décès de mon beau-frère, Jacques Moineau, qui a consacré sa vie à l’Afrique francophone et tout particulièrement au Mali où il a rencontré sa femme Aminata. Jacques a été un de ces coopérants passionnés par le destin de l’Afrique. Toujours sur le terrain, il a milité sans relâche pour que les paysans aient la possibilité de prendre en main leur destin. Combien de fois a-t-il pesté contre la Banque Mondiale, contre les programmes plaqués de l’extérieur sur cette paysannerie qu’il a aimé de toutes ses forces.
Ceci dit je ne connais pas physiquement l’Afrique noire ! Néanmoins je me retrouve dans ce livre dont je conseille ici la lecture.
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avril 28th, 2012 par Jean Sebillotte

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avril 20th, 2012 par Jean Sebillotte
Ce livre de témoignages, le sien et ceux de quelques algériens, a été écrit par un ami très ancien et très cher.
Il intéresse les historiens et intéressera ceux que cette période concerne…
Sa quatrième de couverture suffit à sa présentation. Xavier rajoutera, je l’espère, l’article que lui a consacré Temoignage Chrétien auquel seuls les abonnés peuvent accéder !

Publié dans Lectures Etiquette: Algérie, guerre, témoignages, torture, Xavier Jacquey
avril 18th, 2012 par Jean Sebillotte
On ne présente pas Proust…mais on peut lui écrire…
Cher M. Proust,
A un âge où la mémoire des jeunes années émerge chez la plupart des hommes, j’ai, enfin, relu votre livre dans un exemplaire que m’avait prêté un oncle très cher qui l’avait acheté (je le suppose), dans une librairie de notre capitale où il était né et vivait avec ses parents sauf quand il les suivait, comme le faisait votre héros ― un autre vous-même ―, avec ses frères, mes oncles, à Grignon un autre Combray beaucoup plus petit dont l’église n’était pas le centre ; mon oncle fort cultivé jouait divinement du piano à l’image de sa mère qui en avait fait son deuil et que je n’ai jamais entendue bien que j’ai passé dans l’immense maison ancestrale de longs moments consacrés à la musique où je ne vibrais pas à quelque petite phrase comme celle de Vinteuil ; je venais là, non pour toutes les vacances, mais un été sur deux le plus souvent, habitant au-delà des mers et suivant ma famille plus nombreuse que la vôtre ; j’étais comme vous, quand j’arrivais de la Tunisie sèche et peu odorante, transporté dans l’ambiance si particulière des maisons bourgeoises où des profondeurs ancillaires du rez-de-jardin , où s’activaient les domestiques que je connaissais mal, montait, venant de la laiterie où murissaient les fromages, des placards à confitures, et de la cuisine où mitonnaient des plats à l’ancienne sur la cuisinière allumée et entretenue au bois, une odeur forte et sucrée qui s’accordait à celle de la cire de l’étage des maîtres. Ce parfum, quand je le retrouve, n’est-il pas l’équivalent de l’odeur, du goût de vos madeleines ?
Mais il n’est pas dans mon propos de vous raconter ma vie ; je voulais simplement souligner certains de mes souvenirs que les vôtres convoquent chez moi.
Vous vous rappelez, dites-vous, ce qui n’est pas mort pour vous. Certes vous eussiez pu décrire ce qui dans Combray comportait autre chose que la scène que vous décrivez à un moment donné, mais il eût fallu pour cela recourir à la « mémoire volontaire, la mémoire de l’intelligence » dont « les renseignements qu’elle donne sur le passé ne conservent rien de lui ». Vous ne le fîtes pas. Ainsi votre roman échappe-t-il à l’Histoire et vous ne nous livrez que les parties de Combray dont vous vous souvenez sans effort, celles de lieux, de personnes, d’évènements qui demeurent en vous sans en appeler à ce que vous nommez votre « mémoire volontaire. »
Ce parti admirable vous permet de me plonger dans une composition qui n’est pas, selon moi, celle des grands peintres anciens, que vous vous plaisez à utiliser, qui sont vos références, et dont l’évocation vous permet de faire l’économie, par exemple, de la description d’un visage, mais qui est très exactement celle de peintres qui sont vos contemporains, ces impressionnistes que vous ne citez pas (un caprice de votre mémoire ou le fait que Swann ne vous en ait pas donné de reproductions ? ) et qui ne sont pas utiles à votre récit ; pourtant (est-ce là l’effet du recul du temps ?) je vous trouve fort impressionniste, dressant, par le truchement de votre mémoire, un tableau saisissant d’où, par petites touches, émerge votre société familiale et bourgeoise aux frontières délimitées, que ne franchissent que les quelques élus d’une vieille tante (ce qui permet la visite de gens du peuple), de vos grands-parents et parents, dont ce M. Swann qui vous séduit tant ainsi que sa fille, objet de vos premières amours, rencontrée au fil de vos promenades autour de Combray, de son clocher pourrait-on dire, en suivant les méandres des caprices de vos souvenirs spontanés qui nous entrainent également à Paris, tant Combray n’existe qu’en relation avec le monde où vous passez l’essentiel de votre temps.
Un tel livre ne se résume pas !
Ses lents, longs et minutieux développements sont ordonnés en une progression savante car, même si votre mémoire ne doit jamais être forcée, il n’en demeure pas moins que, comme un peintre impressionniste ne pose pas ses touches au hasard, vous égrenez vos souvenirs dans un ordre savant qui nous fait progresser insensiblement de votre éveil à votre découverte des Guermantes, tout en passant par mille réminiscences tristes ou joyeuses où, vous, l’enfant présenté comme unique et chéri de tous, promenez votre regard candide et acéré et éprouvez de fortes émotions.
Aller plus loin me ferait tomber dans le travers du résumé !
Une remarque m’est venue à l’esprit, cher M. Proust. Le vaste monde n’existe pas pour vous. Peut-être était-ce nécessaire pour votre quête incessante du passé. Zola et d’autres, heureusement, nous permettent de situer votre livre dans une sphère de la société où vivre suffit, les domestiques pourvoyant au nécessaire sous la tyrannie parfois inconsciente des maîtres !
Votre lecteur admiratif et respectueux.
Jean Sebillotte
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avril 3rd, 2012 par Jean Sebillotte
Sans lecture pas d’écriture ! Faisant partie d’un petit groupe dit de « lecture », je suis incité à lire à fond si je puis dire. C’est pourquoi je ferai ici souvent référence à mes lectures sans prétention aucune. J’ai d’ailleurs commencé dès le début de ce blog à le faire en mettant en exergue le dernier tome de l’ouvrage de mon père (Ksar el Ahmar). Je pense faire état de mes réactions : plaisir, difficulté, rejet, etc. Il m’arrivera aussi de promouvoir un livre ou un poème que j’aurais apprécié.
Quelles sont mes lectures préférées ? Vous le découvrirez au fil des articles. Je n’exclus pas l’érotisme…ni la religion. D’ailleurs allez sur internet : vous trouverez beaucoup de chose sur la lectrice La lectrice de Fragonard et peu de chose sur le lecteur sauf un livre de Quignard que je n’ai pas lu et tout plein d’items relatifs à l’informatique.
Mon illustration de cet article en témoigne : le peintre que je suis n’ a pas été insensible à la beauté féminine et à la lecture ! J’ajoute un autre tableau (ombre et lumière) où sont réunis deux personnages et un livre.
Quant à la religion, la littérature en est pleine et le sujet me concerne comme bien d’autres ! Entre les deux, combien de thèmes et de genres. Bref j’annonce un programme sans fin si ce n’est la mienne… JS
Publié dans Lectures Etiquette: érotisme, fragonard, la lectrice, lectures, religion