Catégorie: Lectures
février 4th, 2018 par Jean Sebillotte
Poète d’instinct et apprenant toujours mon art (est-on jamais certain de ne plus progresser ?), je réfléchi depuis peu sur la poésie comme genre littéraire. Je me suis donc procuré les deux livres présentés dans le titre.
J’ai découvert que le texte d’Aristote est court (53 pages dans mon édition pour 26 petits chapitres) comme celui de Boileau (31 pages pour 4 chants).
Mais le texte du philosophe antique fait l’objet d’analyses savantes. L’ouvrage du Seuil fait 465 pages ! Que pourrais-je ajouter à toute cette science ? Aristote pointe les similitudes entre les arts (peinture, musique, danse, recours à la voix). La première est liée au fait « qu’ils sont des représentations » ; « Mais, ajoute aussitôt Aristote, il y a entre eux des différences de trois sortes : ou bien ils représentent par des moyens autres, ou bien ils représentent des objets autres, ou bien ils représentent autrement, c’est-à-dire selon des modes qui ne sont pas les mêmes. » … « Les uns usent des couleurs et des figures alors que d’autres usent de la voix…. Tous réalisent la représentation au moyen du rythme, du langage ou de la mélodie, mais chacun des ces moyens est pris soit pris séparément soit combiné aux autres. » Il remarque qu’à son époque on nomme poésie toutes les œuvres qui recourent au mètre. Lui considère qu’écrire un traité de médecine en usant du mètre ne ressort pas de la poésie. Dans celle-ci il y a « le rythme, le chant et le mètre ». C’est ainsi que je comprends le chapitre 1. A partir de là, Aristote développe de façon considérable l’analyse de ce que je nommerai le théâtre (comédie, tragédie) sans oublier divers genres comme l’épopée. Il fait une grande place à Homère et analyse les œuvres majeures de son époque.
Le texte de Boileau est bien plus technique et normatif. Il introduit la rime pour caractériser la poésie, ce que ne fait pas Aristote.
Quelque sujet qu’on traite, ou plaisant, ou sublime,
Que toujours le bons sens s’accorde avec la rime.
Il introduit le style et insiste sur son importance, ainsi que sur la cadence (le rythme ?) :
Ayez pour la cadence une oreille sévère
Il faut se méfier du heurt des voyelles et le choix des mots importe :
Fuyez des mauvais sons le concours odieux
Certains passages du 1er chant sont très connus :
Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans ses vers une juste cadence,
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
C’est aussi là qu’on trouve les vers fameux :
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire viennent aisément.
Et ceci :
Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajouter quelquefois, et souvent effacez.
Tout ceci nous parle. Mais dans le chant II certaines affirmations me choquent comme le rejet de Ronsard et l’éloge absolu de Régnier. Il m’apparaît aussi que Boileau pense beaucoup à l’alexandrin, ce en quoi il écrit. Dès le chant III, on aborde comme chez Aristote le théâtre et les règles classiques, puis Boileau se livre à l’analyse des œuvres.
En conclusion, il est intéressant à un poète d’aujourd’hui de relire Boileau sans remonter à Aristote !
JS
Publié dans Ecriture, Lectures, Poesie Etiquette: Aristote, Boileau, Poétique
septembre 1st, 2017 par Jean Sebillotte
Le livre de Claude-Alain Planchon est noir, noir comme un tableau de Soulages. Un noir aux mille facettes, comme un morceau d’anthracite aux mille reflets… Comme les diamants taillés. Le héros, David Leprince Van Houten – « Leprince par mon père, Van Houten par ma mère » – vit l’érotisme et la mort, Eros et Thanatos.
Tout se passe dans un univers de luxe et de culture. Diamantaire, employé de haute volée dans une entreprise renommée, David est familier des grandes fortunes et de l’importance qu’y revêt la joaillerie avec ses pierres fabuleuses, souvent royales, à l’histoire mouvementée, aux prix pharamineux, objet d’échanges secrets et de convoitises mafieuses.
Leprince, hanté par la mort, pourra-t-il jouir d’une passion tardive ? Passion ou amour ? Au lecteur d’en décider, s’il le peut. L’action du roman se déroule à Paris, Anvers, Amsterdam et en Provence. Écrit à la première personne, le livre est à la fois une confession érotique et le compte rendu d’une aventure étonnement brutale, avec l’irruption de maffieux redoutables. Le style est vif, incisif, nerveux. L’auteur nous livre des phrases courtes qui s’entrechoquent, se contredisent. Travaillées comme des bijoux, incisives, acérées, elles surprennent et font mouche.
Si vous n’aimez ni l’érotisme ni une vision sombre de la vie, évitez ce livre. Dans le cas contraire, vous pourrez y prendre plaisir comme je l’ai fait.
JS
Publié dans Lectures, Roman Etiquette: Last dance à Amsterdam ; CA Planchon ; roman
juin 5th, 2017 par Jean Sebillotte
Le titre est provocateur mais il est d’un linguiste. L’auteur, Jean Pruvost, commence son livre passionnant par nous montrer d’ou vient l’expression fameuse « Nos ancêtres les Gaulois… » Elle nous vient de Lavisse, auteur dont j’ai lu dans ma jeunesse les extraits qui émaillaient mes manuels d’histoire. C’est Lavisse qui développe à la fin du XIXe le roman national. C’est lui qui écrivit : « Il y a deux mille ans, la France s’appelait la Gaule. La Gaule était habitée par une centaine de petits peuples. Chacun avait un nom particulier, et souvent ils se battaient les uns contre les autres. » … « Elle (la Gaule) n’était donc pas une patrie car une patrie est un pays dont tous les habitants doivent s’aimer les uns les autres. » Pruvost en conclut souligne que, pour Lavisse, « la Gaule est le point de départ d’une nation qu’il reste à édifier. »
Plus tard, Ferdinand Buisson, Directeur de l’Enseignement Primaire en France, confie à Lavisse un article consacré à l’histoire de France dans son Dictionnaire de pédagogique et d’instruction primaire.
Là, Lavisse écrit : « Il y a dans le passé la plus lointain une poésie qu’il faut verser dans les jeunes âmes pour y fortifier le sentiment patriotique. Faisons-leur aimer nos ancêtres gaulois et les forêts des druides. »
A l’époque les Gaulois étaient considérés comme des barbares. Faute d’écriture, leur langue nous est inconnue, le latin s’imposant après Jules César. Des Gaulois Il nous en reste une centaine de mots (bièvre, chêne, alouette, tanche, lande, truand, magouille…)
Retour à Lavisse qui présente les Arabes dont « la brillante civilisation fut longtemps supérieure à celle des Occidentaux et influença heureusement celle-ci. »… Le quel Lavisse continue : « Sous les rois fainéants, la Gaule fut près d’être conquise par les Arabes. » Et Lavisse loue cette brillante civilisation arabe.
En France, cet intérêt pour les Arabes dure jusques à Renan et au-delà.
La situation actuelle est donc fort différente. Les Arabes ne présentent plus pour nous cet attrait passé. Pourtant l’arabe est la troisième langue à la quelle nous empruntons beaucoup de mots après l’anglais et l’italien. L’histoire ancienne l’explique comme l’histoire récente où l’on constate l’importance de l’arabe pour notre langue actuelle du fait de la colonisation et de l’immigration.
Le livre est donc consacré à ces emprunts directs ou indirects qui de l’abricot au zéro ont enrichi notre langue notre ! Et le cheminement la plupart de ces mots nous est raconté en de nombreuses pages…
À lire donc pour les curieux de notre langue !
Jean S.
Publié dans Articles, Lectures Etiquette: Langue; arabe, Pruvost
avril 20th, 2017 par Jean Sebillotte
À lire en ces temps d’élections ces 200 pensées à méditer avant d’aller VOTER. Françoise Fressoz, journaliste au Monde, présente souvent dan les émissions politiques et télévisées, a collationné des quantités de citations savoureuses, profondes, sarcastiques, pessimistes, cyniques, heureuses… de bien des auteurs souvent célèbres. Ce livre est à déguster. Dans son introduction, l’auteure écrit ceci : « la défiance aujourd’hui perceptible à la simple évocation du mot « politique » n’est pas la maladie du siècle. Elle est aussi vieille que la politique elle-même. Et plus loin : « La politique est une drame à la fois terriblement humain et sans cesse renouvelé où la séduction nourrit la déception, l’attraction appelle le rejet. »
De qui ces citations ?
Les fous sont aux échecs les plus proches des rois.
Aux vertus qu’on exige dans un domestique, votre Excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d’être valets ?
La pensée ne commence qu’avec le doute.
Les affaires ? C’est bien simple, c’est l’argent des autres.
Les hommes savent bien ce qui leur est dû et sentent si peu ce qu’ils doivent aux autres.
Jean S.
Publié dans Articles, Ecriture, Lectures Etiquette: 200 pensées ; Françoise Fressoz ; pensées ; politique
avril 5th, 2017 par Jean Sebillotte
Ce livre de Tanguy Viel nous a été offert à ma femme et moi par un de ses frères qui l’avait lu dans la foulée. Je l’ai lu plus lentement pris par d’autres lectures et occupations. C’est un excellent livre qui nous immerge dans l’atmosphère marine de Brest, en bord de mer. Une histoire racontée à l’envers. D’entrée de jeu on sait que Kermeur a balancé à un type à la mer. Il continue ainsi : Puis je suis rentré chez moi à la barre d’un Marry Fisher de neuf mètres de long, comme si c’était mon propre bateau que je pilotais, assis sur le siège en cuir derrière la vitre piquée de sel, à mes pieds les tourteaux résignés ». Le ton est donné. C’est un roman à la première personne, aux phrases le plus souvent très longues où Kermeur confie à son interlocuteur (je ne le nommerai pas ici) comment il en est arrivé là, en précisant sa pensée, en hésitant, avec un souci constant de vérité. Page 141 il nous explique : « Vous savez ce que c’est, j’ai dit, de l’argent dans un cerveau, ça n’a rien à voir avec ce que vous pourriez faire avec ou ce qui vous manque au quotidien, je veux dire, si j’avais eu la capacité un seul instant de convertir cet argent »… Etc. La phrase continue à se dérouler sur plusieurs lignes. L’auteur surprend par ses images. Je me suis dit souvent que j’aurais aimé trouver les formules moi-même sans être jaloux –ou si peu – tant l’auteur écrit juste.
Et on reste jusqu’à la fin du livre dans un coin de la Bretagne contemporaine au bord de la rade… Nous sommes complices de Kermeur, nous le comprenons. Ce presque monologue nous tient en haleine jusqu’à la fin.
J’en dis ici le moins possible pour ne rien dévoiler du livre.
Lisez-le !
JS
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