» Nous l’attendions ce recueil tel un chant de la destinée – Au fil des ans IV – de Jean Sebillotte, mieux nous le pressentions. L’homme est de talent ! Artiste peintre depuis des décennies et poète par passion. Nous connaissons son œuvre, sa démarche et pourtant nous l’abordons toujours avec étonnement. L’auteur nous avertit, les poèmes de ce recueil ont été composés au fil du temps, aux caprices des événements du théâtre de l’existence, avec ses heurs et malheurs, ses plaisirs et douleurs. La poésie est souvent le miroir de la vie, l’autoportrait de son auteur. Jean Sebillotte est un personnage discret, délicat, cependant présent par l’art et la poésie ses deux piliers. Son préfacier, René Le Bars, poète autorisé, le confirme. Il il voit en Jean Sebillotte un poète de la vérité et de la liberté d’un naturel optimiste qui considère que la vie est belle au-delà des chaos et que la poésie en est le baume. Le poète dénonce les exactions guerrières distillant tant de souffrances pour simplement satisfaire l’orgueil et le syndrome de quelques tyrans et autocrates aveugles de pouvoir : – Dieu que la beauté et l’art sont conquêtes incertaines. – Ce recueil est pareil au balancier de l’horloge du temps il oscille d’une scène existentielle à l’autre, du plus terrifiant au plus sécurisant. Les tableaux quotidiens s’enchainent, se mêlent, au travers d’une sorte d’ivresse désabusée. Notre poète joue avec les métaphores et les associations d’images, n’oublions pas qu’il est un excellent peintre jouant avec la palette de l’alphabet. Il dialogue avec l’homme qu’il voudrait meilleur. Sa poésie est comme une incantation, une prière muette où – Dieu – apparait en filigrane. Au passage, un clin d’œil à Baudelaire, se situant entre le bien et le mal et à Apollinaire ce trublion épris de calligrammes. Dans cet ouvrage le temps passe silencieux et sournois. Véritable prise de conscience marquée par le sceau de l’espérance. Mais dans tous ces imbroglios du chemin de vie, il ne faut pas oublier l’Amour en ses flots tumultueux autant qu’enivrants, Amour sage ou coquin il est là au bout de la plume. La destinée frappe parfois injustement et pourtant le poète reste fidèle pour assister, consoler, aimer ! Sans amertume il prend toujours les bonnes résolutions. Désormais il nous reste à espérer le chant de l’an V.
Michel Bénard. »
Recension : – Jean Sebillotte – Au fil des ans IV – Editions les Poètes français – Préface René Le Bars – illustrations de l’auteur – format 15×21 – Nombre de pages 87 – 3ème trimestre 2023 –
Abordons la question du roman philosophique ou poétique avant de nous interroger sur la possibilité d’une poésie elle-même philosophique.
Il me semble que l’on oppose volontiers le roman – œuvre de fiction qui explore la vie des hommes à travers des personnages – à la philosophie – qui fait appel à la raison. D’un côté le narratif, de l’autre le dissertatif. Il n’en a pas toujours été ainsi.
Symétriquement, la question se pose de la relation entre la poésie et la philosophie.
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L’opposition du roman à l’écrit philosophique n’est pas inscrite dans le marbre. Ainsi, Le 18e siècle, écrit Nicolas Rialland[1], se révèle comme l’époque où règne la mode de la philosophie dans le roman. En effet, le roman, genre alors indéfini, trouve dans son union avec la philosophie un moyen de s’élever en dignité et de véritablement s’inventer comme genre artistique à part entière. Quant à la philosophie, fatiguée des grands systèmes philosophiques de l’âge classique, jugés trop coupés de l’expérience réelle, elle cherche une nouvelle manière de s’écrire, qui permette de ménager une plus grande place aux expériences. C’est l’époque de Candide ou l’optimisme de Voltaire, Jacques le Fataliste de Diderot ou La Nouvelle Héloïse de Rousseau.
Pour autant… à première vue, philosophie et roman semblent incompatibles. C’est toute la tradition, d’Aristote à Huet, qui oppose le dissertatif et le narratif, l’usage poétique du langage et son usage philosophique… Le roman philosophique désigne plutôt une collection de manières différentes d’hybrider philosophie et littérature, selon des genres différents (roman-mémoires, récit utopique, etc.). Ces manières ne vont jamais de soi, car il est toujours délicat de mêler dissertatif et narratif.
Cette question du lien du roman et de la philosophie est toujours actuelle.
Elle a déjà été abordée, par exemple pour Sartre. « Il est essentiel nous dit un article d’encyclopédie[2] de souligner que la distinction entre philosophie et littérature, en ce qui concerne Sartre, n’est guère fonctionnelle. L’Être et le Néant, dans son analyse de la « mauvaise foi » notamment, informe sur Huis clos, écrit au même moment. Etc.
Pour Kundera[3], Le roman est la grande forme de la prose où l’auteur, à travers des ego expérimentaux (personnages), examine jusqu’au bout quelques thèmes de l’existence.
Son livre m’avait troublé car, pour lui, la plupart des romanciers sont de simples conteurs et la formule du roman est probablement épuisée.
Il semble donc qu’il faille laisser aux écrivains une liberté que l’on tend à leur dénier ou qu’ils ne savent plus prendre. Faut-il leur refuser le roman philosophique ?
D’autant que les « romanciers-philosophes » sont parfois de très grands écrivains. Il suffit de penser à Camus.
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La forme aussi importe. Pour Kundera et pour la plupart, le roman se doit d’être en prose. Inversement il existe une forme dite de poésie en prose qui a de glorieux représentants, dont bien sûr Baudelaire qui évoque « Une prose poétique, musicale, sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s’adapter aux mouvements lyriques de l’âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience. »
Si l’on suite Jan Baetens [4] « Le roman en vers est possible. Mais comme le montre Carson, ce n’est pas un roman “en vers” (les affreuses rimes!), surtout pas en “vers libres”, encore moins un roman “poétique” (ce prix de consolation pour roman raté). C’est un vrai roman, mais dont le rythme (surtout) est poétique, c’est-à-dire construit, réglé, nourri de calculs, ligne par ligne, vers par vers. »
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Venons-en maintenant la question initiale : la poésie peut-elle être philosophique ?
La réponse semble négative si l’on se réfère à de nombreux auteurs. Il y a là un parallèle avec le roman.
Pour Edgar Morin[5], L’avenir de la poésie est dans sa source même(…) là où a jailli le langage(…) Il y a deux langages(…) L’un est rationnel, empirique, pratique, technique, l’autre, symbolique, mythique, magique. Pour lui Le premier s’appuie sur la logique et il essaie d’objectiver ce dont il parle, le second utilise plutôt la connotation, l’analogie, la métaphore, c’est-à-dire le halo de significations qui entoure chaque mot… et essaie de traduire la vérité de la subjectivité.
La prose serait liée à l’état premier. Le second état, ou « état second », est l’état poétique, qui peut être celui de la danse, du chant, des cérémonies et bien sûr du poème. A ces deux états correspondent deux êtres en nous. Le second est un état de voyance (Rimbaud de la lettre du voyant). Donc poésie-prose, tel est le tissu des notre vie. Nous vivons une double polarité.
Selon E. Morin, l’unité s’est rompue par le développement à partir de la Renaissance d’une poésie de plus en plus profane, puis, à partir du 17e siècle, par la séparation d’une culture scientifique et technique et d’une culture des humanités, humaniste, littéraire, philosophique. La poésie s’est autonomisée mais se nourrit toujours de sa source qui est la pensée symbolique, mythologique, magique. La poésie aurait connu deux révoltes : le romantisme, notamment allemand, contre la « prosaïté », le monde utilitaire et bourgeois, le surréalisme qui signifie le refus de la poésie de se laisser enfermer dans le poème, c’est-à-dire dans une pure et simple expression littéraire (…) Finalement, Le but de la poésie est de nous mettre en l’état poétique.
Le second auteur que j’évoque ici nous parle de Conche[6]. Il écrit ceci : « Le rapport poésie-philosophie joue un rôle important dans la pensée de Marcel Conche dès ses première pages dédiées à Epicure, Lucrèce et Montaigne : « si nombre d’ouvrages de philosophie distillent l’ennui, c’est que la vie en est absente (…) le simple jeu des concepts n’apporte pas la vie (…) il y a différentes façons de vivre un ouvrage. La poésie en est une », écrit-il dans ses réponses à A. Compte-Sponville (….) La confrontation entre poésie et philosophie ou pour adopter ses termes, entre créativité et sagesse, est très ancienne : malgré ce qui les rapproche parfois, elles demeurent irréductiblement séparées. La vérité de la poésie et celle de la philosophie nous donnent des perspectives tout à fait différentes sur l’homme. « Le réel de l’artiste n’est autre que le réel commun (…) il appartient à la philosophie de poser des questions que l’artiste, comme tel, ne pose pas : ce sont les questions dites ultimes, par lesquelles la philosophie s’est dès l’origine, distinguée aussi bien de l’artiste que du savant. »
La cause semble entendue : le poème ne peut être philosophique. Poésie et philosophie sont deux approches du réel « irréductiblement séparées. »
*
Pourtant d’autres auteurs ont marié les deux modes d’expression. Des philosophes grecs l’ont fait. Dante l’a fait dans sa Divine Comédie, Goethe dans ses deux Faust, Voltaire l’a fait (mais, de nos jours, ses poésies épiques, sont négligées ou ignorées), etc.
Selon Campion, Mallarmé tire une philosophie de sa poésie[7]
Philippe Beck[8], cite Sénèque : combien de poètes disent des choses que les philosophes ont déjà dites ou qu’ils auraient dû dire. Pour Beck, il y a deux inconsciences, [celle] des poètes qui philosophent sans le savoir et celle des philosophes qui, sans le vouloir, obligent les poètes à philosopher. D’habitude le mariage s’achève en divorce ou en co-habitation…
Plus loin il met en garde contre une poésie didactique, qui selon Hegel ne doit pas être comptée parmi les formes de l’art.
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Voilà où me mène ma question initiale. Non pas à une impasse mais à des réponses variables qui dissocient plus qu’elles n’associent poésie et philosophie.
Dès lors, je fais encore davantage mien ce texte célèbre de Baudelaire : La poésie, pour peu qu’on veuille descendre en soi-même, interroger son âme, rappeler ses souvenirs d’enthousiasme, n’a pas d’autre but qu’elle-même, elle ne peut en avoir d’autre et aucun poème ne sera si grand, si noble, si véritablement digne du nom de poème que celui qui aura été écrit uniquement pour le plaisir d’écrire un poème…, Et plus loin : La poésie ne peut pas, sous peine de mort ou de défaillance, s’assimiler à la science ou à la morale ; elle n’a pas la vérité pour objet, elle n’a qu’elle-même.[9]
Je m’interrogeais sur un de mes poèmes faisant appel à deux concepts et qui cependant me paraissait relever de la poésie. Mon interlocuteur me dit qu’il est court et métaphorique et intéressant pour cela.
Le fait et la faute
Voici la tempête
Qui jette à la côte
L’esquif qui s’entête
A sauver son hôte
A qui donc la faute
Quand le vent s’entête
A froisser la côte
De ses vagues en fête
S’il y a là un fait
Où est donc la faute
Un autre poème a été jugé long et fastidieux (…) plus une réflexion philosophique qu’une vision poétique. J’ai accepté ce jugement mais cependant sauvé un quatrain qui me paraissait relever de la poésie plus que d’une dissertation en vers et traduisait un sentiment de trouble dans ces temps de complotisme.
Mon âme,
La question se pose à moi du doute,
En ces temps de bien tristes complots.
Et plus que tout mon esprit redoute
Que de mon fait le faux soit mon lot.
*
A toi lecteur de juger de la pertinence de cette libre réflexion qui se veut sans conclusion si ce n’est que la philosophie entretient un ménage conflictuel avec la poésie (et le roman) et que des bibliothèques entières semblent traiter du sujet, ce qui rend très humble l’auteur de ces lignes.
Jean Sebillotte
[1]Roman et philosophie au temps des Lumières (La vie des idées.fr)
Le Florilège est un joli bouquin, relié, de la SAPF (Société des Auteurs et Poètes de la Francophonie) qui recueille chaque année les poèmes des membres de l’association souhaitant faire partager un ou plusieurs de leurs poèmes.
J’y participe depuis longtemps. Cette année voici le poème publié sous mon nom.
Ecrire sans frontières
Ecrire pour soi écrire pour d’autres peut-être
Ecrire pour épuiser les nuits sans sommeil
Quand ce corps qui vous lâche se tient en éveil
Dire les ingrates tâches qui mobilisent tout l’être
Ecrire en casanier ancré comme à son rocher la patène
Ecrire rivé à son antre comme les abeilles à leur rucher
Comme les bûches à leur bûcher
Dire cette nuit ou une autre toute sa peine
Ecrire éveillé par delà les frontières nécessaires
Ecrire quand on le peut dans les jours à finir
Quand on peut pratiquer des plaisirs sans en frémir
Plaisirs dont le corps et l’esprit sont les bénéficiaires
Ecrire pour sauter la frontière de la bienséance
Ecrire sur tout et sur des riens
Des vers si possible baudelairiens
Mêlant amour et désespérance
Ecrire la guerre à notre frontière si fragile
Ecrire l’anxiété du monde fini
En écho à notre besoin d’infini
Confronté à nos vies qui n’ont rien de futile
Ecrire nos minuscules galères
Ecrire les contraintes les obligations les noirceurs
Quand meurent là-bas nos frères et sœurs
Là-bas où gronde la guerre
Ecrire sans savoir comment garder l’âme sereine
Ecrire pour obéir à cette invincible instance en soi
Qui oblige à vivre jusqu’au bout où que l’on soit
Qui jusqu’à la fin de nos cheminements nous entraîne
Mon groupe de lecture a pris la sage décision suivante : ses cinq membres apprendront tous les mois un poème. Excellente chose. J’ai ainsi appris deux de mes poèmes : Thym rouge, Au square Montholon. Cela m’a donné confiance en moi et j’ai pu les lire correctement en public, n’osant pas encore me fier à ma seule mémoire… Autre avantage : trouver des exemples de lecture sur internet. Gérard Philippe dit excellement Le bateau ivre mais moins bien le poème de Nerval El Desdichado. « Je suis le ténébreux – le veuf – l’inconsolé / Le prince d’Aquitaine à la tour abolie/ Ma seule étoile est morte et mon luth constellé/ Porte le soleil noir de la Mélancolie…
J’associe Chantal ma femme à ce travail de mémoire et nous communions dans cet exercice difficile pour nous !
Un conseil : apprenez des poèmes ou d’autres textes ! Surtout si vous avez tendance à perdre la mémoire !
Je me heurte de nouveau à ce logiciel rénové et trop performant pour moi. Mais je suis têtu et cela m’a coûté des sous. Donc je vais tenter de continuer à alimenter ce site. Un essai avec un poème copié-collé.
Fallait-il tuer Christophe Dautheuil pour cette histoire de famille ?
Se procurer ce livre : Editions du bord du Lot
À Versailles : Librairies Antoine et La Vagabonde
À Porchefontaine : LIbrairie de la rue Coste
Et chez l'auteur, contact par mail.
Fred
Se procurer ce livre : Editions du bord du Lot
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