Catégorie: Poesie
juin 10th, 2014 par Jean Sebillotte
Il existe de nombreuses anthologies. J’en pratique surtout deux. Georges Pompidou est l’auteur de la première, un modeste et remarquable livre de poche qui embrasse l’ensemble de la poésie française. L’ouvrage de Michel Décaudin, lui, plus étoffé, avec une préface de Claude Roy, publié chez Gallimard, se cantonne au XXe siècle.
Les deux ouvrages ont le mérite d’expliquer la démarche adoptée pour retenir poètes et poèmes. Leurs introductions sont fort instructives. Pompidou ne craint pas de traiter de LA POÉSIE, puis évoque LES POETES. Claude Roy s’en tient, plus modestement, à développer son incipit : « Toute anthologie est une provocation. »
Les deux ouvrages ont en commun de citer les « grands, » ceux que personne ne songe à récuser, mais divergent quant au choix des autres. La première raison, évidente, tient au champ choisi. Rien chez Pompidou de Jammes, Paul Fort, Bataille, Spire, Jarry, Anna de Noailles, Levet, Segalen, etc. sans oublier Senghor, Desnos, Aragon, etc. Rien, dans le second ouvrage, de Deschamps, Charles d’Orléans, Villon, Sponde, Régnier, etc. La seconde raison tient à la subjectivité du choix. Ainsi, parfois, l’absence est partagée : rien, par exemple, de Cocteau, de Radiguet (Vous devez avoir tort on ne meurt pas d’ennui). dans les deux livres. Pompidou, vu son âge, est-il objectif s’agissant du XXe siècle ? Ignorer Prévert passe mais Aragon tout en citant largement Toulet ? Arrêtons là la comparaison des deux livres. On l’a compris ils ont complémentaires.
Je ne puis que les conseiller tous deux. Peut-on d’ailleurs en poésie se passer d’anthologies, de florilèges, d’ouvrages collectifs ? Les poèmes et les poètes sont légion. Qui peut se vanter de les connaître ? L’anthologie, cette provocation, cet arbitraire, n’est-elle pas une nécessité ?
Ayons la modestie de lire et relire les anthologies à moins de nous cantonner à quelques poètes. On peut envisager une anthologie des anthologies…L’a-t-on réalisée ?
Contentons-nous de suivre Eluard : « le meilleur choix des poèmes est celui qu’on fait pour soi. » Ce qui est une invitation à ouvrir un ou plusieurs cahiers et à y recopier les poèmes aimés, une invitation à choisir soi-même les morceaux et poètes que l’on chérit.
Pompidou, à la fin de son ouvrage, nous donne l’exemple et nous fait part de son « univers secret » en nous livrant ses vers préférés. La place qu’il donne à Baudelaire y est considérable, ce que je ne peux que saluer !
Ma mère aimait certaines citations. De Verlaine : Imaginez un Jardin de Lenôtre,/ correct, ridicule et charmant (elle remplaçait Imaginez par comme). De Mallarmé : La chair est triste, hélas ! Et j’ai lu tous les livres. De Claudel et du Partage de midi, il me semble qu’elle m’a appris : Mesa, je suis Ysé, c’est moi, ce que j’ai mémorisé ainsi : Mesa, Ysé c’est moi. Et n’est-ce pas mieux ainsi ? Comme quoi un vers peut devenir très intérieur, très personnel… et très précieux.
Promis, je vais commencer mon anthologie ! Elle n’intéressera que moi et ne sera pas publiée…
JS
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mai 11th, 2014 par Jean Sebillotte
Amis lecteurs, ce blog m’est précieux par la certitude que certains me lisent. Écrire sans interlocuteurs n’est pas vraiment tenable. D’où l’intérêt de participer à des concours pour soumettre certaines œuvres à des jurys de pairs.
Il en va de même pour la peinture. La pratique des salons n’a pas d’autre intérêt que de recueillir le jugement, en général sans concession, des amateurs et des professionnels.
Ce n’est pas vanité mais nécessité vitale pour l’artiste.
C’est pourquoi je fais ici mention des prix que je reçois. Le dernier est celui de l’association Terpsichore http://www.poesie-terpsichore.eu/ qui m’a donné un prix pour ce poème court sur le thème imposé de l’art (celui du Printemps des poètes, plus précisément intitulé « Au cœur des arts. »)
L’art est divin
L’art est mystère
Et nous tentons ô chimère
Par nos petites manœuvres
De l’enfermer dans nos œuvres
Par bonheur l’effort est vain
S
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Poésie, prix, Terpsichore
février 11th, 2014 par Jean Sebillotte
Éric Chevillard écrit, dans Le Monde des livres du 7 février 2014, un article fort drôle sur le dernier livre de Christian Bobin (Gallimard). Ayant rédigé, moi-même, un article sur ce blog en mars 2013 à propos du livre précédent de cet auteur, j’ai été amusé par le texte de Chevillard qui dénonce, avec sa « mauvaise ironie, » dit-il, la façon dont l’auteur, Frère lumière, chante la vie, ce à quoi il « s’efforce de puis son premier livre. »
Que ceci ne vous empêche pas de lire ce bouquin, mais en relativise la facilité. Celle-ci ne choque pas au premier livre ! Il faut dire que Bobin est un poète qui a parfois des audaces étonnantes que relève notre journaliste : Le papillon monte au ciel en titubant comme un ivrogne. C’est la bonne façon. Ou ceci : Il n’y a pas un instant où je ne cherche une pierre pour aiguiser l’œil.
Chevillard dénonce des bonbons de guimauve comme ceux-ci : Le ciel est un torrent qui se jette dans l’amour de Dieu. Bach compte les étincelles sur ce torrent qui coule dans l’infini ouvert d’un cœur dément.
Il enfonce le clou en notant quelque part que « Tant de clarté nous brûle les yeux. Nous n’y voyons plus rien et l’auteur en profite pour écrire n’importe quoi. »Il conclut son article ainsi : « Christian Bobin s’enchante tout seul, il cherche l’innocence et la grâce dans une langue que l’homme a conçue pour reprendre la main sur la création, pour en chasser les dieux, pour ordonner le monde lui-même, pour substituer la poésie à l’ennui sans fin de la lumière. »
Il est vrai que Christian B. est avant tout un poète. Et c’est avec une certaine tendresse, me semble-t-il que le journaliste lui consacre un très long article qui prouve qu’il a lu à fond ce dernier bouquin.
Jean Sebillotte
Publié dans Lecture, Poesie Etiquette: Bobin, Chantons la Vie, Chevillard, Le monde des Livres
janvier 26th, 2014 par Jean Sebillotte
On croit innover…Et pourtant le calligramme n’est pas une invention récente. Selon wikipedia qui est bien commode, les premiers seraient attribuées au poète grec Simmias de Rhodes. On passe au IXe puis à Rabelais au XVIe (sa dive bouteille) puis au XIXe puis à Guillaume Appolinaire. Il semblerait qu’il faille au lecteur « chercher le sens et la direction des phrases, chose qui paraît évidente dans un texte classique. »
Dans ce texte composé récemment, le sens est assez surréel, mais le forme suggestive, j’espère.
Verseur de vers
Le sévère travers des pervers déversés dans le vermouth
Le vertige vertueux du trouvère versificateur
Le revers de l’avers de ce vert verbeux
La verveine versée dans le verre
Et le verbiage en verlan
Et la vertu du verbe
Et le vermisseau
Et le verseau
Versatile
Dévers
Et persévère
Le vertige verdi du verre versant
Jean Sebillotte 2013-2014
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Calligramme, verseur de vers
janvier 1st, 2014 par Jean Sebillotte
Le nouveau recueil de poésie d’Annalisa Comes a été publié il y a peu par l’Harmattan. J’avais longuement évoqué son Ouvrage de dame dans un article de février 2013.
Ici, je serai plus bref. Je reproduis tout d’abord un premier poème que j’ai aimé. Il attirera, je l’espère, l’attention du lecteur…
Ancora in Occidente
Di colpo alberi, folate del vento
Contro le candele
e ondate, senza dare la mano.
La schiuma è un lievito leggere.
Encore en Occident
D’un coup arbres, rafales de vent
Contre les bougies
Et vagues, sans donner la main.
L’écume est une levure légère.
Comme dans Ouvrage de dame, on lit, à gauche, le texte italien, c’est-à-dire l’original, et, à droite, le texte traduit en français.
Ce nouvel opus est plus concret que le précédent, les textes sont moins allusifs et souvent plus longs. L’eau en fait l’unité générale comme l’illustration de Fred Charap dont les dessins en noir et blanc accompagnent le livre. Le noir intense des originaux a malheureusement disparu à l’impression, à l’exception de l’image qui orne la couverture, ce voilier perdu dans l’immensité grenue.
Dommage, et tant pis. Car nous restent 73 poésies regroupées sous le titre général, Hors terre ferme, avec en guise de seconde partie : Mer & autres eaux.
Ces poèmes sont d’abord à lire en italien, me semble-t-il, dans cette langue chantante qu’Annalisa Comes a utilisée pour nous présenter son œuvre le neuf décembre dernier à Paris. À défaut, commencer par le français…
Pour mon plaisir et, je l’espère, le vôtre, voici un fragment de L’Île aux moines :
…
In questo paese piatto
Dove tutto è riva
I gabbianni si arrampicano col loro fischio da bollitore
…
Dans ce pays plat
Où tout est rive
Les goélands montent avec leur sifflet de bouilloire
Jean Sebillotte
Publié dans Lectures, Poesie Etiquette: Annalisa, Comes, hors terre ferme, illustration, italien