avril 28th, 2013 par Jean Sebillotte

Extrait de poème

Après bien des débats, bien des essais, bien des remarques critiques (toujours précieuses), j’ai pu donner une forme « classique » à un poème inspiré de Sophocle et déjà présenté ici le 6 avril dernier. Ma pensée est mieux exprimée. Il est vrai que c’est un poème peu « sensible, » peu concret, tout d’idées. Mais Lucrèce, dans son De natura rerum, De la nature des choses, a mis en vers toute la philosophie d’Épicure ! Ceci posé, ce poème dans sa nouvelle forme représente, pour moi, un progrès ! Je dois à mes lecteurs de dire que j’ai, après avoir présenté une première version en six strophes et un dernier vers, repris encore le poème en y ajoutant quatre nouvelles strophes. (Le blog refuse de marquer ces strophes ; en attendant la solution du problème chacun peut reconstituer les quatrains !) Pourquoi un tel effort dans une forme que l’on peut estimer dépassée ? L’est-elle vraiment dépassée cette façon de poétiser ? Aragon n’a pas hésité à l’adopter et de nombreux poètes actuels concourent pour divers prix en usant de l’alexandrin. La rigueur poétique et une critique attentive m’ont obligé à progresser.Voici donc le poème corrigé une nouvelle fois. Et surtout, dans un souci de rigueur, j’ai, in fine, changé le titre.

A Sophocle, sur l’Homme

« Il est bien des merveilles en ce monde,

il n’en est pas de plus grande que l’homme. »

Sophocle

L’homme que tu vantes, toi, Sophocle d’Hellas,
Cet homme par milliards multiplié, hélas,
A jusques à présent, épuisé notre monde,
Vicié l’atmosphère, pillé nos belles ondes.
Et que lui importe, à cette créature,
A ce seigneur très fou, selon moi immature,
Ce que sera demain la nature violée,
Si sa bourse est remplie des biens qu’il a volés ?
Si sa course est folle, comment l’arrêter ?
Que dire s’il croit l’hiver chaud comme l’été ?
A ses yeux ne paraîtront-ils pas inutiles
Ces reproches du poète bien inutiles ?
Faut-il en appeler aux Dieux et aux anciens ?
Faut-il mettre en garde les miens et les siens ?
Faut-il persuader, parler fraternité,
Et de nos frères limiter la liberté ?
Ne faut-il pas mieux dire à ces prédateurs
Des espèces connues, que déjà à cette heure
Leur destin est scellé par cette évolution
Dont les décrets et lois disent : condamnation !

*

A vivre sans vertu, seraient-ils condamnés ?
Par quel autre décret, seraient-ils ici nés ?
A n’être qu’animaux, quel serait leur destin ?
Et doivent-ils donc vivre, en suivant leurs instincts ?
De morale aussi, leur espèce est pétrie,
Dont le sens du devoir est aussi la patrie !
Qu’ils se posent aujourd’hui les questions redoutables,
Et dès lors acceptent des lois l’inévitable !
Ainsi tout change alors : à eux d’être penseurs,
D’être philosophes, et qu’à leurs âmes sœurs
Ils apportent les remèdes si nécessaires
Et au monde humain, une paix millénaire !
Même si la fin est vraiment inéluctable,
Les choix humains doivent rester discutables !
Aux hommes de refuser l’excès de l’instant,
Et à eux de préserver leurs propres enfants !
Là est la grandeur de l’homme, ô Sophocle,
Qui peut refuser de tout bâtir sur le socle
De la loi du monde, et, comme un fier lutteur,
Bien que perdu, se battre encor avec hauteur !

Jean Sebillotte

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