Catégorie: Ecriture
août 23rd, 2019 par Jean Sebillotte
Ce type m’intrigue. On peut le classer dans les classiques contemporains, ceux qui se sont exprimés après 1950. J’ai de lui un livre d’entretiens L’inachevable – Entretiens sur la poésie 1990-2010. J’ai aussi lu son premier recueil Du mouvement et de l’immobilité de Douve.
Dans L’inachevable, j’ai lu le chapitre Sur la poésie en français qui est un entretien avec Béatrice Bonhomme daté de 2000.
Bonnefoy écrit mal selon moi. Ses phrase sont longues, compliquées. Un exemple :
Je crois que c’est cette dualité dans l’appréhension du langage qui m’a fait prêter attention à l’être des langues et induit à m’intéresser aux savoirs qu’on peut supposer qui sont en dépôt en elles, aux a priori qu’elles imposent à la pensée à l’esprit, aux intuitions qu’elles nous permettent ou nous refusent.
YB raconte sa découverte du français (ses parents parlaient aussi patois), du latin puis de l’anglais. Il Il cite ces vers de Coleridge qui « ne cessèrent plus [de] l’obséder » :
We were the first that ever burst
Into that silent sea.
« D’emblée j’avais été remué par l’appel des mots… » dit-il, découvrant dès son enfance l’importance des mots et appréciant dans les livres d’enfant le peu de mots qui y figurent.
Puis il passe à la poésie du siècle classique, admirant Racine, ayant peu d’intérêt pour La Fontaine. D’où sa question à l’époque :
Qu’était-ce donc que la poésie ? Comment se faisait-il qu’on donnât son nom à ce qui chez nombre d’auteurs était si peu attrayant ? Mais c’est lors que je découvris les plus grands poètes, Vigny d’abord puis Baudelaire et Rimbaud, et m’aperçus qu’eux aussi marquaient à l’encontre de beaucoup de la poésie en français de la méfiance, si ce n’est même de la colère, alors pourtant qu’ils en attendaient un bien d’une qualité suprême, inconnue ailleurs dans la vie.
YB y réponds en soulignant combien le français pose question au poète. Il rappelle (cela me semble bien connu) l’importance de la faiblesse de notre accentuation . Il le montre en comparant poetica, poétics et poétique. en soulignant l’avantage des anglais et des italiens. Nous n’avons pas le moyen d’entendre dans nos phrases une structure ïambique (une syllabe faible suivie d’une autre accentuée. )
Mais nous avons l’e muet !
L’e muet ? c’est en somme tout un réseau de creux, de léger suspens, entre e plein des autres syllabes, c’est dans e vers tout un relief possible de teintes et demi-teintes, et voilà qui permet, remarquons-le tout d’abord, de rendre parfois certaines syllabes plus longues, dans la diction, avec du coup des accents dans la succession sinon trop monotone des mots. C’est Mallarmé écrivant dans Hérodiade :
Tu vis ! Ou vois-je ici l’ombre d’une princesse ?
A mes lèvres tes doigts et leurs bagues et cesse
De marcher dans un âge ignoré…
Plus loin :
Cet accent de type nouveau aide à la poésie, déjà, puisque forme accrue, il met davantage à distance les sens conceptuel du mot, ce qui fait que filtre entre les notions une lumière qui semble qui vient d’ailleurs dans l’esprit, sinon plus haut.
Enfin, ce :
e muet pallie les carences du vers régulier, syllabes comptées et rime, comme Verlaine l’a si bien vue dans son Art poétique.
J’abandonne ici Yves Bonnefoy, car plus loin il traite des rapports de la prose et de la poésie ! Ce poète a été professeur au Collège de France… Il faut l’écouter ! J’écrirai donc un second papier à son sujet.
JS
Publié dans Poesie Etiquette: Poésie, Yves Bonnefoy
août 22nd, 2019 par Jean Sebillotte
La poésie…
… reste pour moi un mystère et une pratique. Dans les temps actuels, ceux que je vis, elle semble évanouie et pourtant…
Comme le souligne wikipédia – une encyclopédie qui en vaut bien une autre, collective, gratuite, démocratique – la poésie, depuis plus de cinquante ans, n’est que très peu présente dans les journaux et la presse nationale. La diffusion en librairie est de plus en plus restreinte. Elle n’est pas présente non plus à la télévision et on ne choisit plus guère de poètes pour représenter la littérature en France.
La poésie perd de son audience, car elle a peu d’importance sur le plan économique, puisque ne se publie que ce qui peut se vendre, d’où la responsabilité de certaines grandes maisons d’éditions.
… Pourtant… elle est effectivement pratiquée par de très nombreux auteurs – comme en témoignent les publications abondantes et diversifiées des petites maisons d’édition – et lue par beaucoup de lecteurs passionnés. Les revues papier et en ligne jouent à cet égard un rôle décisif… Les blogs ou les très nombreuses lectures ou festivals, comme le Printemps des poètes, le Marché de la poésie ou encore la Journée mondiale de la poésie, témoignent également d’une pratique vivante de la poésie.
Ceci, je le pratique. Membre de plusieurs associations de poètes, je fais dans ce blog souvent référence à la poésie, la mienne, celle des autres. J’ai souligné l’importance des anthologies.
Je m’exerce à la lecture avec mon groupe de… lecture. J’ai eu le plaisir (et la récompense) d’une séance intime ( à cinq) passée en partie à lire des poèmes extraits de mes deux premiers recueils.
*
Voici mon dernier texte :
Là-bas
Ailleurs
L’odeur des citronniers
Du papier d’Arménie
Du savon d’Alep
Ô Syrie
Là-bas
Ailleurs
L’odeur des lavandes
Que porte le vent
Les odeurs de l’ombre
Des volets sombres et clos
Là-bas
Ailleurs
Odeurs servantes de l’oubli
Ô la sauvagerie
Des massacres
Et des morts absurdes
Là-bas
Ailleurs
Publié dans Poesie Etiquette: éléments sur la poésie ;
juillet 21st, 2019 par Jean Sebillotte
Il existe tout un débat à propose de la psychogénéalogie. Certains y croient dur comme fer. D’autres n’y croient pas. Il y a là comme un remake des débats sur la médecine homéopathique, sur l’acupuncture, sur le caractère scientifique de la psychanalyse, etc.
Il n’est pas question ici de trancher.
Et le poète que je tente d’être avait « pondu » un poème publié en février 2019. La forme en était discutable. Je l’ai repris. Le voici :
Psychogénéalogie ?
Longtemps tu as masqué tes émotions
Redoutant d’autrui les condamnations.
Pourtant elle était là cette souffrance
Dont toi seul subissais la fulgurance.
Tu ignorais l’importance des morts,
Cachant en toi un étrange remords
Qui dissimulait, dans ta grotte obscure,
La plaie vive d’un passé qui suppure.
Car les histoires dont tu as héritées
Etaient là, dans tes cavernes abritées,
Te minant, sans que le sache ton âme,
Hantée, dévorée par quelque ancien drame.
Tu cachais donc sous un air trop lisse
Les secrets que recelait ton abysse,
Leurs putrides et noires exhalaisons,
Sans pouvoir en comprendre les raisons.
A nier sans le vouloir ce legs transmis,
Ces actes par un ascendant commis,
Tu vivais victime combien passive
Une douleur injuste et excessive.
Pour n’être pas de toi-même le juge,
Il fallait savoir par quel subterfuge,
Par quel mécanisme et aussi pourquoi,
L’inconscient se jouait encor de toi.
Il te fallait trouver ton noir fantôme,
La sûre origine de ton symptôme,
T’en libérer avec l’aide d’un tiers,
Qui soit pour toi le sage et bon expert.
Dans ce domaine règne l’incertitude.
On te promettra la béatitude.
Tu trouveras de multiples faussaires,
Des escrocs, de foutus intermédiaires…
Et si tu te tournais vers le poème
Pour, peut-être, résoudre ton problème ?
Les poètes sont, dit-on, un peu chamans
Et parfois aussi un peu monomanes
Cette ordonnance peut paraître étrange
Mais t’aidera à trouver quel sera l’ange
Capable de lutter contre le démon
Qui est en toi comme un mauvais phlegmon !
.JS
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: psychogénéalogie
avril 20th, 2019 par Jean Sebillotte
J’ai par devers moi un troisième volume de poèmes. Je vais chercher un éditeur… je ne l’ai pas encore fait, trop pris par l’exposition… Chez mes amis Mauvais j’ai lu trois poèmes. Impossible de retrouver le troisième… Qu’importe : voici les deux premiers et un autre que j’aime :
Photos d’une modèle
La fille que je vois dans cet hebdo glacé
Est une vraie victime
Du système et du fric étroitement enlacés
La mode n’a rien d’intime
On doit donc l’exposer, et même l’exhiber
Cette esclave modèle
Et pour cette raison il ne faut prohiber
Aucune photo d’elle
Il faut bien habiller mais aussi dévoiler
Cette chair exposée
Cette chair très maigre que l’on fait défiler
Cette chair proposée
La fille apparemment s’y prête volontiers
Attitude blasée
Sourire compassé comportement altier
Elle paraît déphasée
La fille boudeuse squelette déguisé
À la taille ficelle
Aux seins menus si peu marqués et suggérés
Evoque la pucelle
Pourquoi ce fil de fer aimé des couturiers
La pose convenue
Qui singe le noble et non le roturier
Et ceci presque nue
Pourquoi y ajouter ce visage chagrin
Ce visage misandre
Cet air-là est-il pris pour marquer le dédain
J’avoue ne pas comprendre
Cela me fâche fort Je ferme le magazine
Ces clichés fabriqués
Insultent les beaux-arts me renvoient à l’usine
Des gens bien trop friqués
Quintette à vent
Du hautbois la stridence
Pour mon cœur qui souffre
Du basson la voix basse
Pour mon cœur qui vibre
Du cor le cuivre grave
Pour mon cœur si triste
De la flute le souffle
Pour mon cœur ému
Et la clarinette
Pour mon cœur perdu
J’y ajoute :
Méditerranée
L’agave qui meurt
Lance au ciel sa fleur
Seul demeure
Le pied séché
Qu’effleure
Le soleil achéen
Etirant l’ombre ébréchée
Sur un sol amer
Avec au loin
La mer
Jean Sebillotte
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Méditerrannée, Photos d'un modèle, Quintette à vent
février 2nd, 2019 par Jean Sebillotte
J’ai longtemps buté sur la lecture de Rilke et notamment de ses élégies. Etait-ce la faute de la traduction ? Je trouvais les élégies impossible à lire. Une amie, elle, ne butait pas comme moi sur le texte.
Aujourd’hui, j’ai décidé de ne pas tenir compte des « caprices » (?) de l’auteur et des ruptures du texte. La disposition des vers répond peut-être à un impératif de la poésie allemande. je me mis à lire un poème en prose et cela prit sens.
Ainsi dans la troisième élégie, l’avant-dernière strophe est présentée ainsi :
Vois, nous n’aimons pas comme les fleurs, poussés
par l’unique saison d’une année ; il monte dans nos bras,
quand nous aimons,
une sève immémoriale. Ô, jeune fille, tout
ceci : je veux dire qu’en nous nous aimions, non point une être
unique, et à venir,
Mais la fermentescence innombrable ; non pas un seul
enfant,
mais les pères qui sont au fond de nous, couchés
comme les débris de montagne ; mais le lit de fleuve asséché
de mères de jadis ; mais tout
le paysage de silence sur qui est suspendue une fatalité
de nuages ou d’azur – : voici donc, jeune fille, ce qui t’a
devancée.
Pour la lire, il faut, me semble-t-il, au moins dans un premier temps, ne pas tenir compte de la mise en scène spatiale du poème qui devient alors :
Vois, nous n’aimons pas comme les fleurs poussés par l’unique saison d’une année ;
il monte dans nos bras, quand nous aimons, une sève immémoriale.
Ô, jeune fille, tout ceci : je veux dire qu’en nous nous aimions,
non point un être unique, et à venir, Mais la fermentescence innombrable ;
non pas un seul enfant,
mais les pères qui sont au fond de nous, couchés comme les débris de montagne ;
mais le lit de fleuve asséché de mères de jadis ;
mais tout le paysage de silence sur qui est suspendue une fatalité de nuages ou d’azur – :
voici donc, jeune fille, ce qui t’a devancée.
J’avoue humblement ne pas toujours bien comprendre ce souci spatial de nombreux poètes contemporains. Parfois cela s’impose, parfois cela ne semble rien ajouter. C’est ici, d’autant plus vrai que le poème en allemand ne semble pas l’exiger.
A toi, lecteur de me dire ce que tu en penses, si tu as lu les Élégies.
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