Catégorie: Lecture
septembre 3rd, 2015 par Jean Sebillotte
L’an passé j’ai lu Les Travailleurs de la mer. Qui le lit encore ? J’ai apprécié ce livre à mille lieux de Vercel.
Quand vous parlez à un de vos amis des romans de Victor Hugo, ils vous citent volontiers Les Misérables. Ils cherchent dans leurs souvenirs et vous citent Cosette, Jean Valjean, les Thénardier… Ils se rappellent avoir lu ça.
1500 pages
Quand un copain chargea le roman sur ma liseuse (qu’il avait remise à jour), je découvris que l’œuvre avait cinq tomes sous-titrés : Fantine, Cosette, Marius, L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis, et Jean Valjean ! C’est dire l’ampleur de l’ouvrage ! En livre de poche cela représente 1500 pages ! Il y a dans ces tomes des livres et des chapitre avec des titres. L’oeuvre est cloisonnée, articulée, cohérente et immense.
Si vos amis se souviennent du roman, je doute qu’ils l’aient lu. Je pense qu’ils en ont eu connaissance par des extraits scolaires. Au mieux ils auront lu une édition abrégée. Il en existe ! Je commençais par le tome 1. J’eus droit à quelques 70 pages sur l’évêque de Digne et sur tout son diocèse. Pages qui m’ont passionné où apparaît soudain Jean Valjean libéré du bagne. À la fin du tome, on finit par Fantine, mère de Cosette. Même procédé pour le tome suivant où on apprend tout de la bataille de Waterloo et ou arrive un certain Thénardier, détrousseur de cadavres. Etc.
Hugo adore partir dans de longues digressions, de très longues digressions et nous enseigner l’Histoire à sa façon que je trouve étonnante de précision, d’invention et… de poésie. Il en rajoute à plaisir, tartine des portraits, abuse des mots, utilise des adjectifs ronflants. Il en rajoute, se complaît dans de longues énumérations.
J’avoue cependant avoir accéléré la lecture en sautant les trop longues descriptions de lieux, de personnages, de costumes, de personnages. Hugo adore écrire des discours sur tout. Il en rajoute volontiers !
Et puis c’était l’été et j’avais tant de choses à faire.
Le contexte de la rentrée littéraire
En ce moment, le monde des lettres bruisse de nouvelles sur les livres de la rentrée. La saison des prix commence.
Pas question pour moi de me lancer dans une quelconque analyse de cette oeuvre qui a été l’objet de tant de travaux. J’ai lâchement fait un tour sur Wikipedia. Je livre ici un passage éloquant que je copie ici.
« Les deux premiers tomes des Misérables sont publiés le 3 avril 1862 à grand renfort de publicité, extraits de morceaux choisis dans les journaux et critiques élogieuses. La suite paraît le 15 mai 1862. À cette époque, Victor Hugo est considéré comme un des premiers hommes de lettres français de son siècle et le public se précipite pour lire son nouveau roman.
Les réactions sont diverses. Certains le jugent immoral, d’autres trop sentimental, d’autres encore trop complaisant avec les révolutionnaires. Les frères Goncourt expriment leur profonde déception, jugeant le roman très artificiel et très décevant. Flaubert n’y trouve « ni vérité ni grandeur ». Baudelaire en fait une critique très élogieuse dans les journaux, mais en privé le qualifiera de « livre immonde et inepte ». Lamartine en condamne les impuretés de langue, le cynisme de la démagogie : « Les Misérables sont un sublime talent, une honnête intention et un livre très dangereux de deux manières : non seulement parce qu’il fait trop craindre aux heureux, mais parce qu’il fait trop espérer aux malheureux ». Cette crainte est partagée par Barbey d’Aurevilly qui stigmatise le « livre le plus dangereux de son temps ».
Le livre acquiert cependant un grand succès populaire. Traduit dès l’année de sa parution en plusieurs langues (italien, grec, portugais), il reçoit dans ces pays, de la part des lecteurs, un accueil triomphal. »
N’est-ce pas savoureux ? Les grands de la littérature ne sont guère tendres entre eux !
Le point de vue du romancier que je deviens progressivement :
Je ne prétends à aucune science. Je m’étonne cependant de découvrir un roman gigantesque de liberté. Fallait-il qu’Hugo soit déjà célèbre pour être ainsi édité. De nos jours, un tel ouvrage retiendrait-il l’attention d’un éditeur ?
Il me semble que le roman, tel qu’il est conçu actuellement, doit être assez court et surtout ne pas contenir de développements qui feraient plaisir à l’auteur mais qui ne sembleraient pas être au service de l’intrigue. Foin des passages un peu philosophiques, un peu historiques, qui sentent l’essai. Nous n’aimons pas non plus les longues descriptions.
N’est-ce pas ça le problème ? Il y a un genre et il faut le respecter : roman, polar, récit, biographie, livre d’histoire, livre de philosophie, à chacun son contenu ! Ainsi « Le royaume », ce succès récent de librairie, a gêné. Était-ce un roman, une autobiographie, un essai ? Se piquait-il d’histoire, de science religieuse ? Il est un peu tout ça et cela a perturbé des lecteurs qui me sont proches.
Merci donc Victor Hugo de ton roman qui mélange pas mal de genres…
Comment conclure ?
Je ne vois qu’une chute à mon papier : lisez Victor Hugo, c’est un régal ! Mais c’est long !
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décembre 30th, 2014 par Jean Sebillotte
Je suis étonné, voire choqué que mon journal, Le Monde, ose des titres comme celui-ci : « L’Indonésie pleure les disparus du vol d’Air Asia » ou « L’Asie endeuillée par un nouveau crash aérien », ou encore « Le projet de canal du Nicaragua cristallise la colère ». Certes, les titres sont souvent un casse-tête pour un journal. Mais, là, Le Monde me semble tomber dans un des travers communs aux médias, l’exagération inutile. L’Indonésie est peuplée de 250 millions d’habitants, l’Asie de 4.4 milliards ! Cela fait beaucoup de gens en larmes ! Le Monde s’est peut-être procuré la recette de la colère cristallisée ?
Les titres ne sont pas nécessairement de la plume du journaliste qui a écrit l’article. Ne naissent-il pas de l’imagination des gens qui bouclent le journal. ? Procédé littéraire, me dira-t-on. Mais je préfère d’autres façon de titrer. Ailleurs, dans d’autres pages du même numéro du Monde, le titre aurait été : « Indonésie : les passagers disparus du vol d’Air Asia ». C’est plus précis mais moins racoleur… De même pourquoi pas simplement : « Nouveau crash aérien en Asie ». On peut préciser que ce crash est « sans survivants » ou « très grave ».
Un journal est là pour nous informer, pas pour faire pleurer un lecteur sensible ou abuser de l’hyperbole au risque de déformer la réalité.
En élargissant, que de fois un journaliste de la télé colle un qualificatif de son invention à un assassin, L’égorgeur d’enfants par exemple, et affirme implicitement qu’on le surnomme ainsi dans sa rue, son quartier, son patelin ! Ensuite, ce qualificatif est repris comme s’il s’agissait d’une réaction des voisins, des commerçants, de la police… que sais-je encore… et permet ce titre : L’égorgeur d’enfants devant ses juges. Etc. C’est un tic journalistique assez pénible… mais quand on sait maintenant, grâce au Monde du 30 décembre 2014, que tous les Asiates étaient deuil, car enfin on voit mal une zone géographique être endeuillé, on se dit que ce tic agaçant n’est pas trop grave !
Peut-être, cet article est-il vain ! Il m’a soulagé !
Jean S.
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octobre 23rd, 2014 par Jean Sebillotte
Une anecdote. Je n’avais jamais lu du Modiano. Combler cette lacune s’imposait. Cet été, j’ai donc lu L’herbe des nuits choisi un peu au hasard parce que c’était un livre de poche et voici ce que j’en ai écrit à mes petits camarades de notre groupe de lecture :
Patrick Modiano – L’herbe des nuits. Sur l’idée d’un retour en arrière dans sa vie et grâce à un carnet noir, le héros revisite son passé énigmatique et flou…À l’époque, il était apprenti écrivain. Sa compagne ( ?) d’alors a-t-elle tué et qui ? Et pourquoi ? Peut-être ai-je été distrait, je n’ai pas retenu la réponse !
Mais j’avais recopié sur ce blog une interview de Patrick Modiano À propos de secrets d’écriture. Je m’attachais alors à la démarche de l’écrivain et non à son résultat ( voir article du 20 avril 2013). J’avais donc oublié cela…Or en rentrant de nos vacances, le groupe décide de lire le dernier Modiano.
Notre flair a été largement récompensé. Quelques jours après notre décision, nous étions largement informés du prix Nobel qui lui était attribué. Nous nous sommes félicités pour notre flair !
Ce blog n’a pas été pris de court !
La suite…Plus tard !
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août 1st, 2014 par Jean Sebillotte
Ora fuit l’annonce de la mort redoutée d’Ofer, son second fils, qui a rempilé dans l’armée à l’issue de son service militaire. Nous sommes en Israël. Ofer est le filsd’Ora et d’Avram alors qu’Adam, l’aîné, est le fils d’Ilan. Ora est intimement liée à deux hommes, Ilan et Avram, des amis intimes que la vie a séparés, deux amis avec les quels elle a lié connaissance à la sortie de l’adolescence dans un hôpital, avec lesquels elle a conçu les deux demi-frères. Le roman recèle un immense et splendide dialogue entre Ora et Avram. Ce dernier s’est refusé à voir son fils Ofer. Ora lui raconte sa vie et celle de son fils au cours d’une randonnée en Galilée… L’amour entre eux renaît…Tout le sel de cette histoire tient à l’habileté de l’auteur qui nous dévoile progressivement la vie passée des cinq protagonistes. Le présent et le passé alternent. Le texte est continu avec de simples intervalles entre les sections (ni parties, ni chapitres). La vie en Israël nous est suggérée par la référence constante aux relations difficiles des Juifs avec les Palestiniens et les arabes, à la colonisation et au rôle de l’armée et, parfois, à la bible et aux fêtes et rites (La bar-mitsva d’un fils par exemple, l’achat d’aliments casher). Les noms des lieux (villages et villes), qui sont à consonances arabes ou juives, nous renvoient à l’étrangeté de ce pays.
Comment vous donner l’envie de lire cette brique de 782 pages dans la collection Points du Seuil ? J’ai imaginé de fournir ci-dessous une le fac-similé d’une page de ce livre. L’ouvrage se termine par une confidence précieuse de l’auteur… (avis au lecteur : ne pas oublier de double-cliquer pour lire en grand format la page reproduite) 
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février 11th, 2014 par Jean Sebillotte
Éric Chevillard écrit, dans Le Monde des livres du 7 février 2014, un article fort drôle sur le dernier livre de Christian Bobin (Gallimard). Ayant rédigé, moi-même, un article sur ce blog en mars 2013 à propos du livre précédent de cet auteur, j’ai été amusé par le texte de Chevillard qui dénonce, avec sa « mauvaise ironie, » dit-il, la façon dont l’auteur, Frère lumière, chante la vie, ce à quoi il « s’efforce de puis son premier livre. »
Que ceci ne vous empêche pas de lire ce bouquin, mais en relativise la facilité. Celle-ci ne choque pas au premier livre ! Il faut dire que Bobin est un poète qui a parfois des audaces étonnantes que relève notre journaliste : Le papillon monte au ciel en titubant comme un ivrogne. C’est la bonne façon. Ou ceci : Il n’y a pas un instant où je ne cherche une pierre pour aiguiser l’œil.
Chevillard dénonce des bonbons de guimauve comme ceux-ci : Le ciel est un torrent qui se jette dans l’amour de Dieu. Bach compte les étincelles sur ce torrent qui coule dans l’infini ouvert d’un cœur dément.
Il enfonce le clou en notant quelque part que « Tant de clarté nous brûle les yeux. Nous n’y voyons plus rien et l’auteur en profite pour écrire n’importe quoi. »Il conclut son article ainsi : « Christian Bobin s’enchante tout seul, il cherche l’innocence et la grâce dans une langue que l’homme a conçue pour reprendre la main sur la création, pour en chasser les dieux, pour ordonner le monde lui-même, pour substituer la poésie à l’ennui sans fin de la lumière. »
Il est vrai que Christian B. est avant tout un poète. Et c’est avec une certaine tendresse, me semble-t-il que le journaliste lui consacre un très long article qui prouve qu’il a lu à fond ce dernier bouquin.
Jean Sebillotte
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