février 4th, 2018 par Jean Sebillotte
Nous apprenions la langue, la rime et la cadence,
Et le mètre des vers, et les chants et la danse.
Nous étions des enfants, inconscients, turbulents,
Qui pratiquaient les jeux qu’ils jugeaient excellents.
Boileau, nous n’apprenions pas assez ton message
Car c’était un devoir, il fallait être sage.
C’est en devenant vieux qu’on admet la raison.
Les ans ralentissant nous octroient des saisons
Qui donnent le loisir de polir notre langue,
D’écrire sereinement dans un monde qui tangue.
A mon âge avancé, je reviens aux anciens,
Les savants, les instruits, les académiciens.
Voilà pourquoi, Boileau, je retrouve ta science.
Et, à tes préceptes, vois, je fais allégeance.
Cependant après toi tout serait-il ringard,
Et fixées pour toujours les règles de notre art ?
Elles ont leur intérêt, qui n’est plus à prouver,
Mais il y a des ailleurs insolites à trouver.
Et je n’aime pas que tu t’en prennes à Ronsard.
Tu es bon poète, mais, là, bien trop vachard.
JS – 31 janvier 2018
Publié dans Ecriture, Poesie Etiquette: Boileau, Epître, Jean Sebillotte, poème
février 4th, 2018 par Jean Sebillotte
Poète d’instinct et apprenant toujours mon art (est-on jamais certain de ne plus progresser ?), je réfléchi depuis peu sur la poésie comme genre littéraire. Je me suis donc procuré les deux livres présentés dans le titre.
J’ai découvert que le texte d’Aristote est court (53 pages dans mon édition pour 26 petits chapitres) comme celui de Boileau (31 pages pour 4 chants).
Mais le texte du philosophe antique fait l’objet d’analyses savantes. L’ouvrage du Seuil fait 465 pages ! Que pourrais-je ajouter à toute cette science ? Aristote pointe les similitudes entre les arts (peinture, musique, danse, recours à la voix). La première est liée au fait « qu’ils sont des représentations » ; « Mais, ajoute aussitôt Aristote, il y a entre eux des différences de trois sortes : ou bien ils représentent par des moyens autres, ou bien ils représentent des objets autres, ou bien ils représentent autrement, c’est-à-dire selon des modes qui ne sont pas les mêmes. » … « Les uns usent des couleurs et des figures alors que d’autres usent de la voix…. Tous réalisent la représentation au moyen du rythme, du langage ou de la mélodie, mais chacun des ces moyens est pris soit pris séparément soit combiné aux autres. » Il remarque qu’à son époque on nomme poésie toutes les œuvres qui recourent au mètre. Lui considère qu’écrire un traité de médecine en usant du mètre ne ressort pas de la poésie. Dans celle-ci il y a « le rythme, le chant et le mètre ». C’est ainsi que je comprends le chapitre 1. A partir de là, Aristote développe de façon considérable l’analyse de ce que je nommerai le théâtre (comédie, tragédie) sans oublier divers genres comme l’épopée. Il fait une grande place à Homère et analyse les œuvres majeures de son époque.
Le texte de Boileau est bien plus technique et normatif. Il introduit la rime pour caractériser la poésie, ce que ne fait pas Aristote.
Quelque sujet qu’on traite, ou plaisant, ou sublime,
Que toujours le bons sens s’accorde avec la rime.
Il introduit le style et insiste sur son importance, ainsi que sur la cadence (le rythme ?) :
Ayez pour la cadence une oreille sévère
Il faut se méfier du heurt des voyelles et le choix des mots importe :
Fuyez des mauvais sons le concours odieux
Certains passages du 1er chant sont très connus :
Enfin Malherbe vint, et, le premier en France,
Fit sentir dans ses vers une juste cadence,
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
C’est aussi là qu’on trouve les vers fameux :
Avant donc que d’écrire, apprenez à penser.
Selon que notre idée est plus ou moins obscure,
L’expression la suit, ou moins nette ou plus pure.
Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire viennent aisément.
Et ceci :
Hâtez-vous lentement ; et, sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage :
Polissez-le sans cesse et le repolissez ;
Ajouter quelquefois, et souvent effacez.
Tout ceci nous parle. Mais dans le chant II certaines affirmations me choquent comme le rejet de Ronsard et l’éloge absolu de Régnier. Il m’apparaît aussi que Boileau pense beaucoup à l’alexandrin, ce en quoi il écrit. Dès le chant III, on aborde comme chez Aristote le théâtre et les règles classiques, puis Boileau se livre à l’analyse des œuvres.
En conclusion, il est intéressant à un poète d’aujourd’hui de relire Boileau sans remonter à Aristote !
JS
Publié dans Ecriture, Lectures, Poesie Etiquette: Aristote, Boileau, Poétique