Catégorie: Lectures
décembre 28th, 2012 par Jean Sebillotte
Lors d’une foire aux livres historiques, à Versailles, en 2012, une amie et moi avons fait le tour des stands. C’est ainsi que j’ai échangé quelques mots avec Mohamed Aïssaoui dont le livre m’a attiré. Cet auteur m’a dit travailler au dialogue judéo-islamique n’hésitant pas se dire « philosémite. » Son livre est une quête pour tenter de répondre à cette question : pourquoi aucun musulman n’est-il considéré comme Juste et ne figure-t-il pas au Mémorial deYad Vashem, en Israël ? L’auteur n’est pas naïf. Il sait que « l’antisémitisme est la chose la mieux partagée au monde, depuis la nuit des temps. Les Arabes et les musulmans y prennent largement leur part… » « Pourtant, oui, des arabes ont aidé des Juifs. » Pour répondre à sa question il enquête auprès des vivants et fait revivre les morts.
Le livre raconte son investigation. L’auteur nous dit, dès le début : » j’ai un penchant : j’exhume des noms oubliés comme d’autres chassent des trésors ou cajolent des voitures. Je recherche des existences sur lesquelles on a posé un voile de silence. Je fouille dans les souterrains de l’histoire. Je poursuis des ombres. Je remarque des silhouettes. Je suis le biographe de fantômes. »
Ainsi en est-il de Kaddour Ben-Gharit (ou Bengharit) qui a fondé la grande mosquée de Paris en 1926. Le livre égrène des quantités de noms de personnes inconnues ou, parfois, bien connues à sa grande surprise et à la nôtre. M. Aïssaoui rencontre assez vite Irena Steinfeldt de la commission des Justes de Yad Vashem, en Israël, institut ion qui « travaille pour assurer que l’héritage de la Shoah sera transmis aux générations futures… » Yad Vashem a ouvert un dossier sur K. Bengharit « mais il manque de preuves pour le déclarer comme étant un « Juste parmi les nations. »
Les preuves ! L’auteur commence son livre par cette adresse : « Je dis souvent aux survivants : écrivez. Je leur répète : écrivez, écrivez. Ou faites écrire votre histoire… »
A toi lecteur de poursuivre plus avant la lecture de ce livre si le sujet t’intéresse. Mohamed Aïsssaoui y fait revivre un pan ignoré de l’époque de la guerre 39-45. Son vœu final : que Yad Vashem consacre comme étant un Juste parmi les Nation un Arabe qui pourrait être : Mohamed V (Roi du Maroc), Bengharit, Somia, Mesli, Benzaouou, Zitouni, Sakkat, Abdul-Wahab, Moncef Bey !
Mohammed Aïssaoui est journaliste au Figaro Littéraire et auteur de L’affaire de l’esclave Furcy (Prix Renaudot essai et prix RFO du livre )
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octobre 20th, 2012 par Jean Sebillotte
Un ami m’a transmis un texte qui est le script d’une conférence donnée par André Fossion, jésuite, en avril 2012. L’auteur se préoccupe de l’annonce de la foi aujourd’hui. Il analyse de façon remarquablement dense et concise les enjeux et défis qui se posent aux chrétiens.
Je propose ici la partie du texte qui a une portée générale et me semble avoir sa place dans ce blog, car elle éclaire le contexte religieux et culturel dans lequel nous vivons. Qui peut raisonnablement ignorer l’importance des religions, la catholique notamment ? L’auteur, s’exprimant en croyant et pratiquant, résume de façon remarquablement concise ce qu’il qualifie de « résistances par rapport à la foi chrétienne. » Il le fait en toute honnêteté et clarté.
Nota : Le titre de l’article est de moi et j’ai supprimé les références bibliographiques.
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Fossion écrit dans son introduction : « Nous le savons bien, il y a aujourd’hui un monde qui meurt et un monde qui naît. Cette mutation socioculturelle de grande envergure touche tous les domaines et affecte bien entendu le christianisme. Forcément, celui-ci est atteint ; il y a aujourd’hui un christianisme qui meurt, mais aussi, nous pouvons l’espérer, un christianisme qui naît. C’est à cette émergence d’un christianisme renouvelé que je voudrais consacrer mes propos…
Ces propos seront, à la fois, humbles, francs et aussi, je l’espère, engageants.
Mon exposé sera divisé en trois parties. La première partie prendra la mesure des défis nouveaux et inédits qui mettent en crise la foi chrétienne et sa transmission aux générations à venir… » (C’est la seule partie de l’introduction que je reproduis ici.)
André Fossion développe alors ce qu’il nomme « LA REMONTÉE EN PUISSANCE DE SAGESSES PAÏENNES. » Il le fait en trois points.
« 1. Une double sécularisation : publique et privée.
Le monde occidental européen a connu, me semble-t-il, une double sécularisation. La première est la sécularisation de la vie publique. Cette sécularisation de la vie publique a été engagée, de manière décisive, dès la fin du XVIII siècle avec la révolution démocratique, l’affirmation des droits de l’homme, le développement des sciences et l’autonomie de la raison philosophique. Dans cette société nouvelle issue de la modernité, la religion ne joue plus, comme dans l’ancien régime, un rôle de fondement ou d’encadrement. En d’autres termes, la société moderne s’est émancipée de la tutelle religieuse et cléricale. Pour autant, la religion ne disparaît pas, mais est renvoyée au libre assentiment de l’individu dans un univers devenu pluraliste. Dans le passé, en période de chrétienté, naître et devenir chrétien allaient ensemble. La foi se transmettait avec l’ambiance culturelle ; elle faisait partie des évidences communes. La doctrine se transmettait sous le régime d’un triple « il faut » : les vérités à croire, les commandements à observer et les sacrements à recevoir. Au contraire, avec l’avènement de la modernité, ce que la société transmet, ce n’est plus la foi, mais la liberté religieuse du citoyen. C’est le premier effet de la sécularisation : tandis que la société devient politiquement laïque, la foi religieuse passe dans le domaine des convictions libres et personnelles. Le christianisme lui-même a contribué d’ailleurs à cette émancipation de la société par rapport à la religion. C’est ainsi que Marcel Gauchet parle du christianisme comme « la religion de la sortie de la religion.»
Mais on assiste aujourd’hui à une deuxième phase de la sécularisation : non plus seulement la sécularisation de la vie publique, mais la sécularisation de la vie privée elle-même. Ce sont les individus eux-mêmes qui, aujourd’hui, s’éloignent des formes héritées du christianisme parce qu’elles ne croisent plus leurs aspirations, parce qu’elles ne font plus sens, parce qu’elles sont devenues largement illisibles et même incroyables. On assiste, en effet, aujourd’hui, à une prise de distance massive des individus par rapport au christianisme institué. Les symptômes de la crise sont évidents : diminution du nombre de pratiquants, moins d’enfants catéchisés, crise des vocations sacerdotales et religieuses, communautés vieillissantes, etc. Les résistances par rapport à la foi chrétienne sont multiples. J’ai coutume d’en repérer cinq :
– Dieu indécidable. C’est la position agnostique. On ne sait pas et on ne saura jamais si Dieu existe.
– Dieu incroyable, C’est la position d’une certaine conception de la science qui réduit le réel à ce qui est vérifiable.
– Dieu insupportable. C’est ce que ressentent tous ceux et celles qui se sont éloignés de leur éducation chrétienne parce qu’elle pesait sur eux comme un carcan dogmatique et moralisant qui ne les faisait plus vivre et dont ils se sont libérés pour grandir en humanité. La foi chrétienne apparaît pour eux comme un obstacle à leur humanité.
– Dieu indéchiffrable. La résistance consiste ici dans la difficulté de comprendre, face à l’étrangeté, la diversité ou la complexité des langages qui rendent perplexes.
– Dieu inclassable. Ici, c’est la question de Dieu elle-même qui se dissout. Elle tombe dans le non-lieu. On peut se passer de la question de Dieu et s’installer tranquillement dans une vie areligieuse.
Ces cinq résistances constituent peu ou prou ce qui est transmis en héritage aux jeunes générations. Elles constituent, comme pour nous-mêmes, d’ailleurs, ce qu’elles ont à traverser et à dépasser pour accéder à la foi d’une manière mûrie et personnelle.
2. La remontée des sagesses
Ce qui émerge de cette résistance à l’héritage chrétien, c’est, sous des formes neuves, le retour aux sagesses sans vérité transcendante, visant de manière pratique, le bien vivre aussi bien individuel que collectif, sans autre horizon que celui de la vie présente. Je rejoindrais ici volontiers l’analyse de Chantal Delsol dans son ouvrage « L’âge du renoncement ». Sa thèse est que l’on assiste aujourd’hui à la réinstauration de modes d’êtres et de pensée comparables à ceux qui précédèrent l’Occident chrétien et à ceux qui se déploient en dehors de l’occident chrétien, en particulier le bouddhisme. « Tout se passe, dit-elle, comme si l’humanité occidentale (c’est du moins vrai pour l’Europe) regagnait après un long éclair les pénates de l’homme de toujours. (…) L’effacement de la croyance en Dieu unique signale un retour, sous des formes neuves, aux mythes et aux sagesses qui ont structuré avant et ailleurs l’esprit des hommes2. » On assiste, dit-elle, à un véritable retournement de toute la vision de l’existence. La parenthèse des monothéismes se ferme et reviennent en puissance les sagesses, les manières d’être qui renoncent à la prétention de vérité, aménagent le monde du mieux que l’on peut, puisqu’il est notre seul sacré, complètement séculier cependant. Ces sagesses manifestent un équilibre subtil de stoïcisme, d’épicurisme et de panthéisme. Stoïcisme, parce qu’il n’y a pas d’au-delà à espérer et qu’il faut bien se résoudre à la mort et aux limites du monde qui est le nôtre. Epicurisme, car, dans ces limites consenties, il existe néanmoins une voie de bonheur qui consiste à aménager autant que possible une vie heureuse et plaisante pour soi-même comme pour autrui et pour la société. Panthéisme enfin, au sens où il n’y a pas d’arrière-monde, ni d’au-delà, ni d’altérité qui le transcende, qui parle, appelle ou pourrait se révéler. Le monde, la nature est le seul réel qui nous soit donné. Il est silencieux etsans finalité. C’est nous qui l’habitons de paroles et de projets. Dans son ouvrage L’esprit del’athéisme, André Comte-Sponville nous prévient. Il faut aimer davantage, mais espérer moins. « C’est l’amour non l’espérance qui fait vivre3 », écrit-il. Il convient dès lors de rabaisser nos prétentions de sens et d’abandonner nos espérances, en nous efforçant de vivre humainement, sans elles, dans le destin pragmatique de la vie ordinaire. Ainsi, la morale se substitue-t-elle à la religion et la sagesse à la foi.
3. Le christianisme tenu en respect, mis à distance et aussi à dépasser
Cette remontée des sagesses païennes n’est pas simplement un retour à un passé ancien. Ces sagesses d’aujourd’hui, en effet, ont appris de l’histoire ; elles se sont forgées dans le combat pour les droits de l’homme et se sont nourries de l’apport des sciences. Elles gardent aussi le souvenir du christianisme. Elles en reprennent les valeurs essentielles et, en ce sens, lui sont fidèles. Elles se montrent redevables et reconnaissantes à son égard. Elles lui manifestent même gratitude et respect. Comte-Sponville, par exemple, écrit ceci qui me semble symptomatique de notre époque : « Il m’arrive de me définir comme athée fidèle ; athée, puisque je ne crois en aucun Dieu ni aucune puissance surnaturelle ; mais fidèle, parce que je me reconnais dans une certaine histoire, une certaine tradition, une certaine communauté, et spécialement dans ces valeurs judéo-chrétiennes (ou gréco-judéo-chrétiennes) qui sont les nôtres.»
Mais si les sagesses manifestent du respect à l’égard du christianisme, elles entendent aussi le « tenir en respect, » c’est-à-dire le mettre à distance pour s’en protéger. Les sagesses d’aujourd’hui, en effet, gardent aussi en mémoire les dérives, les déviations et les perversions que le christianisme a manifestées tout au long de son histoire et dont le goût amer subsiste encore dans les consciences et jusque dans les corps. Ce goût amer a pour nom le dogmatisme, la tutelle cléricale, la prétention de savoir, la culpabilisation, le soupçon jeté sur le plaisir, la suprématie masculine, etc. Ces dérives n’apparaissent pas simplement comme accidentelles ou de circonstances, mais comme liées à la prétention de savoir qui n’est jamais loin de la volonté de puissance et de la violence. En ce sens, nos sagesses païennes entendent bien tenir à distance le christianisme, défendre la laïcité de la société et la protéger de toute puissance hégémonique. Davantage même, le christianisme apparaît comme un stade à dépasser, pour laisser place à une humanité moins ambitieuse peut-être puisqu’il n’y a pas d’au-delà, mais plus sereine, plus pacifiée et réconciliée. Chantal Delsol exprime bien l’enjeu de la situation où nous sommes : « C’est le monde du monothéisme, écrit-elle, qui se révèle une exception et nous sommes en train de nous soustraire à cette exception.(…) Cela n’indique pas que nous serions des monstres retournés à la barbarie. Nous sommes tout simplement en train de retrouver des référents plus relatifs, plus lâches et moins exigeants, de ceux dont tous les humains se sont saisis pour vivre en bonne intelligence avec leur monde. Cette métamorphose qui ne nous prive ni de culture, ni de vie sociale ni de vie morale transforme cependant notre rapport au monde, avec une radicalité dont nous sommes loin de soupçonner encore l’ampleur et les conséquences.»
Même si tous nos contemporains ne se posent pas la question à ce niveau de radicalité, rencontrer la question est utile pour tous. Nous avons affaire à un changement de paradigme socioculturel. La situation est inédite… »
Ici s’arrête le texte de portée générale et Fossion passe à des considérations propres à l’Eglise catholique.
Jean Sebillotte
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juillet 12th, 2012 par Jean Sebillotte
Lors d’une longue conversation téléphonique avec Philippe M., j’évoque un poème en cours traitant de l’Homme au seuil du nouveau millénaire.
― J’ai imprimé, me dit-il, le texte splendide de l’Ode à l’Homme dans l’Antigone de Sophocle. Il correspond à ce que tu évoques.
Il m’en fait la lecture.
― Peux-tu me passer ce texte ?
Il me promet de le chercher dans son magma, c’est-à-dire dans son ordinateur dont l’ordre lui semble perfectible. Ses investigations sont fructueuses puisque je reçois le texte le soir même. Le voici, ami lecteur.
ODE A L’HOMME
» Il est bien des merveilles en ce monde, il n’en est pas de plus grande que l’homme.
Il est l’être qui sait traverser la mer grise, à l’heure où souffle le vent du Sud et ses orages, et qui va son chemin au milieu des abîmes que lui ouvrent les flots soulevés. Il est l’être qui tourmente la déesse auguste entre toutes, la Terre,
la Terre éternelle et infatigable, avec ses charrues qui vont chaque année la sillonnant sans répit, celui qui la fait labourer par les produits de ses cavales.
Les oiseaux étourdis, il les enserre et il les prend,
tout comme le gibier des champs et les poissons peuplant les mers, dans les mailles de ses filets,
l’homme à l’esprit ingénieux. Par ses engins il se rend maître
de l’animal sauvage qui va courant les monts, et, le moment venu, il mettra sous le joug et le cheval à l’épaisse crinière et l’infatigable taureau des montagnes.
Parole, pensée vite comme le vent, aspirations d’où naissent les cités, tout cela il se l’est enseigné à lui-même, aussi bien qu’il a su, en se faisant un gîte,
se dérober aux traits du gel ou de la pluie, cruels à ceux qui n’ont d’autres toits que le ciel ?
Bien armé contre tout, il ne se voit désarmé contre rien de ce que peut lui offrir l’avenir. Contre la mort seule,
il n’aura jamais de charme permettant de lui échapper, bien qu’il ait déjà su contre les maladies les plus opiniâtres imaginer plus d’un remède.
Mais, ainsi maître d’un savoir dont les ingénieuses ressources dépassent toute espérance, il peut prendre ensuite la route du mal comme du bien.
Qu’il fasse donc dans ce savoir une part aux lois de son pays et à la justice des dieux, à laquelle il a juré foi !
Il montera alors très haut au-dessus de sa cité, tandis qu’il s’exclut de cette cité le jour où il laisse le crime le contaminer par bravade.
Ah ! Qu’il n’ait plus de place alors à mon foyer ni parmi mes amis, si c’est là comme il se comporte ! »
SOPHOCLE (549-406 av.JC) dans « ANTIGONE »(442)
PS – Traduction, semble-t-il, de Paul Mazon. On peut se reporter à l’article suivant http://www.philolog.fr/lhymne-a-lhomme-sophocle/
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mai 18th, 2012 par Jean Sebillotte
Je suis en train de lire, plus que de relire, un gros bouquin consacré aux oeuvres d’Edgar Poe (édition La Pochothèque). 1858 pages…Je ne prétend pas « absorber » intégralement un tel ouvrage. Je picore là-dedans à petites doses et admire la culture tellement vaste et variée de cet écrivain génial dont je mesurais mal l’influence considérable tout en sachant que Baudelaire avait été son traducteur. Ce dernier est également l’auteur d’une présentation intitulée « Edgar Poe, sa vie et son oeuvre » fort intéressante. Les nouvelles sont à lire par ceux qui s’intéressent à ce genre !
Je ne résiste pas au plaisir de relayer cette annonce du Musée d’Orsay:
Rêver d’Edgar Allan Poe
Manet l’a illustré, Debussy a tenté de le mettre en musique. C’est dire que l’univers d’Edgar Allan Poe a fasciné les artistes de la seconde moitié du XIXe siècle. Dès ses débuts, le cinéma s’est intéressé à l’œuvre d’Edgar Allan Poe.
Dans ses nouvelles où s’inventent le récit policier, la science-fiction et l’épouvante, des réalisateurs comme Fritz Lang, David W.Griffith, Jean Epstein, Roger Corman ont trouvé l’essence même du fantastique et du suspens.
Ces histoires où l’horreur et la beauté font bon ménage n’ont-elles pas à voir avec la nature même du cinéma ? Car quoi de plus cinématographique que les caprices de l’imagination, la question du double, la permanence obsédante des défunts ou l’indécision entre le rêve et la réalité, entre la vie et la mort ? L’œuvre de Poe, peut-être plus que toute autre, aura ainsi anticipé les mythes et les fantasmes que matérialisa l’invention du cinématographe, cette machine à créer des spectres et à incarner les cauchemars autant que les rêves. Et comme l’a compris Jean-Luc Godard dans Vivre sa vie, n’est-ce pas le pouvoir vampirique du cinéma que Poe décrivait déjà dans Le Portrait ovale, où un peintre parvenait à transfuser sur sa toile « la vie elle-même » ?
Le musée d’Orsay consacre plusieurs journées à cet auteur du 6 au 27 mai…http://www.musee-orsay.fr/fr/evenements/cinema/presentation-generale/article/rever-dedgar-allan-poe-32071.html?tx_ttnews[tx_pids]=607&tx_ttnews[tt_cur]=32071&tx_ttnews[backPid]=223&cHash=c0b06485f2
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mai 6th, 2012 par Jean Sebillotte
Le titre de ce livre d’Hervé Bichat est accrocheur. Il doit se comprendre ainsi : pas de salut pour l’Afrique sans le souci de son agriculture. Pour un ancien de l’Afrique du Nord, le titre est trop large, mais il en va de l’Afrique comme de l’Amérique. Pour beaucoup l’Afrique est noire, le reste ce sont les pays arabes…Ici, l’auteur précise que sa référence est surtout l’Afrique de l’ouest. Agronome, il en parle en connaisseur, lui qui y a vécu, qui a créé et dirigé le CIRAD (centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement) puis a été à la tête de l’INRA avant de diriger l’enseignement agricole français ce que précise la quatrième de couverture.
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La première partie, « L’Afrique n’est pas maudite », réussit le tour de force de dresser un « portrait » très documenté du sud du continent, pourtant tellement hétérogène. Cette partie ramassée (93 pages) a le mérite à mes yeux incompétents de relier présent et passé, de souligner les handicaps et les chances. H. Bichat ne craint pas de comparer entre eux les continents (et leur histoire) sans tomber dans le simplisme. La synthèse est remarquable : cette partie à elle seule mérite la lecture du livre !
La seconde partie de l’ouvrage, moins étoffée ― « Quelques problématiques agricoles africaines » ―, s’adresse à un public plus restreint, plus averti, me semble-t-il.
On y retrouve René Dumont et son livre célèbre (L’Afrique noire est mal partie) dont H. Bichat fait une analyse soigneuse, comme il fait état des erreurs de la banque Mondiale trop exclusivement inspirée de l’Ecole de Chicago qui imprègne la pensée libérale actuellement dominante. Il s’appuie sur l’expérience de la politique agricole commune (la PAC). Il faut de l’Etat à l’agriculture, à ce stade de son développement au moins.
Trois grandes conclusions pour l’action : redonner la priorité au long terme, adapter les régimes fonciers à leur nouvel environnement agro-écologique et social, faire émerger des marchés régionaux agricoles.
HB termine par un appel à « soutenir l’agriculture africaine, car elle sauvera le continent ! » Ceci en respectant les contraintes propres au temps et à l’espace et en convoquant « le meilleur de la recherche agronomique mondiale. »
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C’est là un défi lancé aux Africains et au reste du monde, en gardant présent à l’esprit que ceux-là seront bientôt deux milliards et qu’il auront à se nourrir.
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Ce livre m’a particulièrement concerné car je connais Hervé Bichat depuis 1957 à l’Agro de Paris. Nous ne nous sommes jamais perdus de vue même si mon parcours professionnel a été métropolitain et plus modeste et n’a croisé le sien qu’en fin de carrière.
J’ai connu René Dumont. J’ai fait avec lui et quelques professeurs, comme élève, un tour de Bretagne, qui m’a marqué pour toujours. La compagne de R. Dumont m’a envoyé à la place de son compagnon alors en fin de vie, une lettre émouvante en réponse à un courrier où je lui faisais part du décès de mon beau-frère, Jacques Moineau, qui a consacré sa vie à l’Afrique francophone et tout particulièrement au Mali où il a rencontré sa femme Aminata. Jacques a été un de ces coopérants passionnés par le destin de l’Afrique. Toujours sur le terrain, il a milité sans relâche pour que les paysans aient la possibilité de prendre en main leur destin. Combien de fois a-t-il pesté contre la Banque Mondiale, contre les programmes plaqués de l’extérieur sur cette paysannerie qu’il a aimé de toutes ses forces.
Ceci dit je ne connais pas physiquement l’Afrique noire ! Néanmoins je me retrouve dans ce livre dont je conseille ici la lecture.
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