Catégorie: Lecture
novembre 28th, 2016 par Jean Sebillotte
La mort d’un amerloque
À la fin d’une vie relâchée,
Son cœur, amère loque,
Battant breloque,
L’a lâché.
Au bloc
On ne peut réparer
Ce cœur désemparé
Qui se bloque.
Des médocs,
L’homme n’en connaît pas,
Habitué des seuls repas
Au Médoc.
Ah Mère !
L’amerloque est mort.
C’était là son sort
Amer.
Instant loufoque
Où la vie, soudain finie,
Au seuil de l’infini,
Suffoque.
Pour ce poème, j’ai reçu il y a très peu le prix « « Claude Sorel » de poésie libre de la Société des Artistes et Poètes de la Francophonie, la SAPF. Qui refuserait un tel prix, signe d’une reconnaissance des siens, ces poètes désintéressés et modestes qui s’associent pour célébrer ce genre assez peu en vogue et pourtant objet de tant de travaux, de joies et de peines ?
Dans mes deux recueils publiés à ce jour, il y a bien des textes de la même veine humoristique, comme celui où une momie nous répète en refrain « j’m’ennuie » ou celui qui vante la « tête de veau sauce gribiche ». Ou encore, quand le lecteur est invité à considérer que « Tout est en ordre » puisque, outre les précautions prises avant de se coucher (les volets fermés, l’auto garée, etc.), le poème précise :
« Tonton est à l’Elysée,
non il est clamecé,
c’est Chirac qui y est,
la République est gardée ».
Ailleurs, on revisite la mythologie grecque :
» Très en colère,
Junon, de son sein altier,
Jette à Jupiter,
La giclée laitière,
Qui a pris nom
De Voie lactée » ?
Quant à la SAPF, présidée par Jean-Charles Dorge avec l’appui de René Lebars, son vice-président, et de son comité, je ne peux que vous inciter, vous mes lecteurs, à visiter son site http://www.poetes-francophonie.com/ et à devenir membre de cette association qui œuvre pour la promotion de la poésie et de la langue française.
Jean S.
Publié dans Lecture, Poesie Etiquette: Poésie ; pris ; SAPF, Prix Claude Sorel, SAPF
novembre 13th, 2016 par Jean Sebillotte
D’abord, pourquoi lire ? Je propose un détour : pourquoi écrire ? Une de mes réponses est que j’écris pour explorer le monde. Cela vaut surtout pour mes romans qui me permettent d’approfondir un aspect de la réalité et même de créer un ajout imaginaire à cette réalité. Un roman appartient au monde, ne serait-ce que parce que la Bibliothèque nationale en garde deux exemplaires… Fred, pour moi, fait partie du monde comme la famille Dautheuil. N’en est-il pas de même pour la lecture qui permet, elle aussi, d’explorer le monde ?
Pourquoi lire Saint-Simon, duc et pair ? C’est se plonger dans la vie de la cour du roi Louis XIV puis du Régent. C’est suivre la démarche d’un homme qui voulait que son propre monde subsiste et que nous en partagions la mémoire. Qui n’est pas intéressé par l’histoire de France perdra peut-être le sel de ces Mémoires. Mais, peut-être, peut-on lire Saint-Simon simplement pour se régaler de son fameux style.
Lire Saint-Simon c’est aussi satisfaire un libraire fort sympathique chez qui j’ai trouvé l’anthologie dont il m’a fortement conseillé la lecture. Grâce à lui, j’ai réparé partiellement une lacune de ma formation littéraire qui a été fort incomplète et que, sur le tard, je m’efforce de compléter comme certains de mes proches qui à un âge avancé continuent à perfectionner leur langue anglaise, espagnole ou allemande.
J’ai commencé le bouquin par le milieu au moment où le duc nous conte la mort de la Dauphine puis celle du Dauphin qui lui étaient très proches, une mort terrible aussi, à divers égards, pour le Roi, pour la cour, une mort qui a privé la France de successeurs destinés à devenir roi et reine de France, formés pour cela, une mort qui a conduit à une régence, le futur Louis XV étant bien jeune.
Je ne pensais pas être pris à ce point par ma lecture. C’est dû au fond bien sûr, mais probablement plus encore au style que l’on m’avait vanté. Qui suis-je pour qualifier ce style qui n’a d’égal selon les Goncourt que celui de la Bible et des auteurs latins ? « Saint-Simon ? Un des grands stylistes avec Proust » m’a dit une amie fort compétente dans le domaine. Dans la préface de l’anthologie, François Ravez cite un certain nombre d’admirateurs de Saint-Simon : Chateaubriand, Hugo, Balzac, Michelet, Sainte-Beuve, Flaubert, les frères Goncourt, Stendhal ( «… les épinards et Saint-Simon ont été mes goûts durables »). Proust « fera des Mémoires l’un des textes-sources de La Recherche », écrit le préfacier qui cite aussi Valéry écrivant : « Dans une clandestinité absolue…, Saint-Simon invente pour ses Mémoires cette langue extraordinaire dont la morsure et les longues phrases, formées d’étonnants raccourcis, émerveilleront les connaisseurs de l’avenir ».
Après cela, comment pourriez-vous ne pas lire au moins cette anthologie, qui n’a que 1478 pages, à défaut des huit tomes de la Pléiade ?
Jean Sebillotte
Publié dans Lecture, Roman Etiquette: Saint-Simon ; lire ; écrire
août 21st, 2016 par Jean Sebillotte
D’Évelyne Bloch-Dano, je n’ai lu que deux biographies, celle de Madame Zola et celle de Madame Proust. Elle m’ont vivement intéressé à chaque fois. On découvre un auteur et son monde par l’histoire d’une personne qui lui est toute proche. Passionnant. Je suggère cette lecture aux curieux. Quant à l’auteur, pourquoi ne pas aller sur son site : http://www.ebloch-dano.com ? Je ne me vois pas établir la biographie de Madame Bloch-Dano !
JS
PS- Je n’imaginais pas combien Proust avait dépendu de sa mère. Et réciproquement… En outre, le livre nous présente le milieu dans lequel ont vécu la mère et le fils.
Publié dans Lecture, Lectures Etiquette: biographie, Evelyne Bloch-Dano, Madame Proust
août 9th, 2016 par Jean Sebillotte
Cher ami,
À mon tour de commenter un de vos livres. L’Herbier m’est bien parvenu. J’ai profité d’une semaine en Espagne pour le lire page après page. Le livre s’y prête par sa forme même. On suit l’histoire de cette famille qui est décrite pour aboutir au fils, dont je n’ai pas trouvé le prénom, qui, à la fin, reste seul dans la maison des parents, sur le dessus de la terre, ses parents étant désormais en-dessous…
« Le petit a grandi, il essaie de comprendre pourquoi Roger et Colette s’aiment et se haïssent, en même temps. » Effet de typo et de style. Le style. Vous m’aviez suggéré d’en mettre davantage pour le second roman, je crois. Dans L’Herbier, il est remarquable et je suis tombé sur de multiples trouvailles qui m’ont plu et parfois étonné.
Le livre n’est ni gai ni optimiste. Il est même cruel. La vie vaut-elle d’être vécue ? Dieu ne répond pas, existe-t-il ? La destination est le cimetière. La vieillesse peut être un terrible naufrage. Le père apprend à l’enfant à faire un herbier, « doux cimetière de la nature morte ».
« On est heureux pour quelques heures, ou un peu moins malheureux »… « Croient-ils pouvoir être heureux ensemble » ?
« Heureusement il reste les mots »… « pour un avenir vertigineux ».
*
C’est, pour moi, un beau livre que j’ai quitté pensif, d’autant que je lisais en même temps Les âmes grises tout aussi sombre.
Merci
Jean S.
Publié dans Lecture, Lectures, Roman Etiquette: Colin, l'herbier, pessimisme, récit
juillet 21st, 2016 par Jean Sebillotte
Ce livre lu dans ma jeunesse, en 1956, à un moment de maladie, de fatigue extrême et de stress, m’avait fait grande impression, comme le film célèbre de Bresson. Une amie, Monique Gosselin, universitaire spécialiste de Bernanos, a écrit récemment un essai approfondi, « Bernanos romancier du surnaturel » aux Éditions Pierre Guillaume de Roux, où elle rend compte de la modernité de six des œuvres de Bernanos « jugées souvent désuètes » qui « peuvent cependant toucher les lecteurs d’aujourd’hui, fussent-ils étrangers au catholicisme, voire au message chrétien ».
La relecture m’a plu. Mais il est vrai que j’ai été imbibé de religion catholique. J’en sais les fondements, les rites, la place de la hiérarchie et des clercs, donc d’un curé, dans l’Église.
Ce qui m’a frappé est la qualité de l’écriture. Ce qui fascine aussi c’est le personnage de ce prêtre « au douloureux itinéraire… vers une sainteté qui s’ignore ». Le livre peut rebuter. Il a vieilli quand il décrit la vie institutionnelle et humaine du curé d’une petite paroisse rurale dans les années 30. Il demeure vigoureux pour quiconque se sent concerné par le « surnaturel », le bien, le mal, le péché, la mort, la grâce… le Christ et son message…
Le curé d’Ambricourt est un être pur, qui se heurte à lui-même, à ses paroissiens et à leur manque de foi, au monde et aux compromissions de l’Église.
Je suis incapable, ici, de résumer un tel livre. Lisez-le ! Ensuite lisez Monique Gosselin. Ou inversement !
JS
Publié dans Lecture, Roman Etiquette: Bernanos, Le Journal d'un curé de campagne, relecture