janvier 1st, 2014 par Jean Sebillotte

Le nouveau recueil de poésie d’Annalisa Comes a été publié il y a peu par l’Harmattan. J’avais longuement évoqué son Ouvrage de dame dans un article de février 2013.

Ici, je serai plus bref. Je reproduis tout d’abord un premier poème que j’ai aimé. Il attirera, je l’espère, l’attention du lecteur…

Ancora in Occidente
Di colpo alberi, folate del vento
Contro le candele
e ondate, senza dare la mano.
La schiuma è un lievito leggere.

Encore en Occident
D’un coup arbres, rafales de vent
Contre les bougies
Et vagues, sans donner la main.
L’écume est une levure légère.

Comme dans Ouvrage de dame, on lit, à gauche, le texte italien, c’est-à-dire l’original, et, à droite, le texte traduit en français.

Ce nouvel opus est plus concret que le précédent, les textes sont moins allusifs et souvent plus longs. L’eau en fait l’unité générale comme l’illustration de Fred Charap dont les dessins en noir et blanc accompagnent le livre. Le noir intense des originaux a malheureusement disparu à l’impression, à l’exception de l’image qui orne la couverture, ce voilier perdu dans l’immensité grenue.

Dommage, et tant pis. Car nous restent 73 poésies regroupées sous le titre général, Hors terre ferme, avec en guise de seconde partie : Mer & autres eaux.

Ces poèmes sont d’abord à lire en italien, me semble-t-il, dans cette langue chantante qu’Annalisa Comes a utilisée pour nous présenter son œuvre le neuf décembre dernier à Paris. À défaut, commencer par le français…

Pour mon plaisir et, je l’espère, le vôtre, voici un fragment de L’Île aux moines :


In questo paese piatto

Dove tutto è riva

I gabbianni si arrampicano col loro fischio da bollitore

Dans ce pays plat
Où tout est rive
Les goélands montent avec leur sifflet de bouilloire

Jean Sebillotte

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février 27th, 2013 par Jean Sebillotte

 Photo livre annalisa comes-page 4

OUVRAGE DE DAME  d’Annalisa Comes

(aide à la traduction d’Yves Le Bris)

 

J’ai lu à plusieurs reprises ce livre qui m’avait attiré l’autre jour à La Vagabonde et qui m’est dédicacé. Trente trois poèmes. Sur la page de gauche la version italienne (la langue de l’auteure), sur la page de droite la traduction française. Parfois des titres, parfois rien qu’un nombre en chiffres romains (sauf pour le premier poème où il n’y a rien).

Qui suis-je pour parler d’un tel livre ? Ma réponse : un lecteur qui, lui aussi, s’efforce de traduire en poésie sentiments, impressions, paysages, instants, etc., un lecteur séduit par la musique des mots, surtout ici en italien, un lecteur étonné par le caractère déroutant de ces poèmes courts, elliptiques où la poète s’exprime de façon allusive en vers résolument libres dans une poésie libre aussi de toute règle apparente, mais d’où se dégage un style.

Des poèmes qui expriment la relation du je, du moi, avec ce tu, ce toi qui devient parfois (rarement) il, chaque poème étant comme un moment suspendu que vit celle qui évoque l’autre et leur relation.

Le lecteur ne peut qu’être surpris par de multiples variations de forme :

– la longueur inégale des poèmes,

– l’emploi de deux temps dans la même page,

– le pluriel soudain apparu :

ne piango sommessa     j’en pleure à basse voix

le figure scomposte       les figures décomposées

–  le sens qui se perd  (ce qui est habituel) :

il cortle dei monti    la cour des monts

che si sperde     qui nous perd

aggrigendo i cappelli   grisonnant les cheveux

sempre   toujours

– le regard qui change,

– l’apparition soudaine d’une virgule, d’un tiret, de deux tirets, de deux points, d’une        majuscule, dans des poèmes sans ponctuation,

– l’emploi très souvent de l’infinitif,

– l’absence d’article ou d’adverbe,  moi j’aurais écrit :

     a te (di) liberare (l’)azzura dei capelli       à toi(de)dépêtrer(le) bleu des cheveux

la cerniera della mia azzura       la charnière de mon bleu

        collana      collier

– le heurt voulu parfois des mots ; moi, dans le poème d’au-dessus, j’aurais, comme la traduction,  écrit :

 la cernera della mia collana azzura !

 *

A Annalisa ces vers qu’elle m’inspire :

Elle à l’ouvrage

Cachée dans le bleu du poème

Entre les murs de livres

Et lui ?

Jean Sebillotte (26 janvier 2013)

 

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