Soumission de Houellebecq

Le point faible de MH ? Sa fable n’est pas vraiment crédible. Son « futur » n’a aucune vraisemblance. Tant pis. L’auteur est suffisamment scientifique (un de mes bizuths à l’Institut National Agronomique de Paris) pour savoir que les sociétés n’évoluent pas si vite. Il avait déjà fait, selon moi, la même erreur pour des romans précédents. Pourquoi ? Parce qu’il tient à garder le même  narrateur, ce qui réduit la durée du roman et donc celle de son scénario ?

Néanmoins la force de son roman n’est-elle pas d’envisager la possibilité de l’irruption de l’Islam sur la scène politique de France. Il laisse le lecteur croire que le poids de l’Islam est assez fort pour qu’il semble « normal » que se constitue rapidement un parti musulman. L’islam de France très divisé et non politisé deviendrait capable d’avoir son parti, la Fraternité musulmane, avec un dirigeant hors norme, Mohammed Ben Abbes. Celui-ci prendrait la suite de Hollande dans sept ans !

C’est de la politique fiction en accéléré. Le précédent de Napoléon montre que c’est possible ! Mais il y avait eu déjà 10 ans de révolution pour « déblayer le terrain ».

Ceci posé, MH envisage qu’une France avachie (qui se bat pourtant en Afrique et au proche Orient contre les islamistes-djihadistes) céderait le pouvoir à ce leader extraordinaire, ce Mohammed Ben Abbes qui deviendrait le successeur de F. Hollande à l’issue de son second septennat. Dans sept ans !  En très peu de temps seraient instaurée en France de nouvelles règles : séparation des sexes à l’école, enseignement public sous tutelle musulmane, enseignement privé devenant la norme, femmes interdites de métiers professionnels, instauration de la polygamie, mise à l’encanr de l’enseignement supérieur… Une des universités de La Sorbonne serait achetée par l’Arabie Saoudite dont l’influence serait considérable, etc.…  La charia serait donc introduite sans douleur. Tout se ferait en douceur, sans véritable révolte, sans intervention des alliés… La France, corrompue par un christianisme – religion de femmes à l’opposé de l’islam religion d’hommes – devenu sans attrait et sans force, serait convertie assez rapidement à l’Islam.

Ben Abbes s’attèlerait à créer un empire nouveau autour de la Méditerranée, les Romains l’ont fait en tant de siècles, là ce serait facile et rapide (référence à Napoléon…).

Le héros, le narrateur, est un athée ou un agnostique, fort cultivé, universitaire de talent, admirateur de Huysmans sur le quel il a écrit une thèse remarquée qui sera la seule véritable production littéraire et professionnelle de sa vie – thèse qui lui permet de faire référence au christianisme. Cet homme, intelligent, obsédé par les femmes, encore sexuellement performant et soucieux de sa queue, buvant beaucoup, blasé, sans autre avenir que voir sa « plomberie » se dégrader, indifférent à la mort de ses parents séparés depuis longtemps, à l’humour lourd, incapable de créer une famille, indifférent à l’humanité, vit cette mutation douce sans trop de dommages. Il se convertit finalement à l’Islam, ce qui a bien des avantages pour lui qui va se voir doté d’une jeune femme et d’un salaire très conséquent. Il rejoint le camp des gens supérieurs qui doivent surplomber une majorité sans beaucoup de moyens pour vivre (un beau programme social !).

Car, ne pas l’oublier, Islam signifie soumission (à Dieu) et la soumission a bien des vertus. Quant à la conversion elle est facile : il suffit devant témoins de dire en arabe phonétique : « Je témoigne qu’il n’y a pas d’autre divinité que, et que Mahomet est l’envoyé de Dieu ». Apparemment, il n’est pas nécessaire de pratiquer le culte !

Il ne convient pas, dans ce livre, de rechercher une échappée vers la vie spirituelle. L’amour de Dieu et du prochain n’est pas le souci premier de l’auteur. On est loin du mysticisme religieux commun à toutes les religions. Les critiques soulignent le caractère veule du narrateur, la présentation d’un Islam unique, sunnite et arabe, un Islam « islamiste ». Pour Houellebecque, la féroce concurrence des Chiites (Iran, Irak, Syrie, Liban, Yémen et même Arabie Saoudite) et des Sunnites n’existe pas. L’Islam est un. Et cela je l’ai ressenti vivement. Le modèle n’est pas celui la Tunisie mais de l’Arabie Saoudite. Pour certains, MH est raciste et son livre est une charge contre un Islam caricaturé. Ce serait de l’islamophobie au second degré !

Je n’ai pas en vue une thèse universitaire à la quelle  je pourrais consacrer sept ans de ma vie… Je ne puis juger l’œuvre de cet homme. Je remarque qu’il surfe toujours sur des sujets contemporains : ici le retour des religions et l’arrivée de l’Islam en France et en Europe. Il peut être très sommaire : selon son narrateur, il va de soi que progressivement l’Islam convertira le monde entier. Il est même prévu que la Chine et l’Inde y passeront ! Quant aux Amériques, il n’en est pas question !

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Moi qui n’aimais pas Houellebecq, j’ai apprécié ce dernier roman pour son style, pour son personnage principal peu sympathique mais fort bien campé, pour la qualité du récit, pour avoir abordé le difficile sujet de l’Islam. C’est un roman, pas un essai. Peut-être suis-je un lecteur trop naïf ?

Peut-être, à fréquenter depuis longtemps la question de l’Islam, ai-je fait la part des choses ?

Une fois encore, la maîtrise de la langue est remarquable.

Pour le reste, pour des avis divers, que les lecteurs se rendent sur le net !

JS

Je signale ici un témoignage ancien de Danièle sur sa relation avec les livres de Houellebecq au long de sa vie. Cliquer sur ce lien du blog « Le clairon sonne la retraite ». http://leclairon.blog.lemonde.fr/2010/11/19/la-rentree-des-livres/

mars 4th, 2015 par