Yves Bonnefoy (I)

Ce type m’intrigue. On peut le classer dans les classiques contemporains, ceux qui se sont exprimés après 1950. J’ai de lui un livre d’entretiens L’inachevable – Entretiens sur la poésie 1990-2010. J’ai aussi lu son premier recueil  Du mouvement et de l’immobilité de Douve.

Dans L’inachevable, j’ai lu le chapitre Sur la poésie en français qui est un entretien avec Béatrice Bonhomme daté de 2000.

Bonnefoy écrit mal selon moi. Ses phrase sont longues, compliquées. Un exemple :

Je crois que c’est cette dualité dans l’appréhension du langage qui m’a fait prêter attention à l’être des langues et induit à m’intéresser aux savoirs qu’on peut supposer qui sont en dépôt en elles, aux a priori qu’elles imposent à la pensée à l’esprit, aux intuitions qu’elles nous permettent ou nous refusent.

YB raconte sa découverte du français  (ses parents parlaient aussi patois), du latin puis de l’anglais. Il Il cite ces vers de Coleridge qui « ne cessèrent plus [de] l’obséder » :

We were the first that ever burst

Into that silent sea.

« D’emblée j’avais été remué par l’appel des mots… » dit-il, découvrant dès son enfance l’importance des mots et appréciant dans les livres d’enfant le peu de mots qui y figurent.

Puis il passe à la poésie du siècle classique, admirant Racine, ayant peu d’intérêt pour La Fontaine. D’où sa question à l’époque :

Qu’était-ce donc que la poésie ? Comment se faisait-il qu’on donnât son nom à ce qui chez nombre d’auteurs était si peu attrayant ? Mais c’est lors que je découvris les plus grands poètes, Vigny d’abord puis Baudelaire et Rimbaud, et m’aperçus qu’eux aussi marquaient à l’encontre de beaucoup de la poésie en français de la méfiance, si ce n’est même de la colère, alors pourtant qu’ils en attendaient un bien d’une qualité suprême, inconnue ailleurs dans la vie.

YB y réponds en soulignant combien le français pose question au poète. Il rappelle (cela me semble bien connu) l’importance de la faiblesse de notre accentuation . Il le montre en comparant poetica, poétics et poétique. en soulignant l’avantage des anglais et des italiens. Nous n’avons pas le moyen d’entendre dans nos phrases une structure ïambique (une syllabe faible suivie d’une autre accentuée. )

Mais nous avons l’e muet !

L’e muet ? c’est en somme tout un réseau de creux, de léger suspens, entre e plein des autres syllabes, c’est dans e vers tout un relief possible de teintes et demi-teintes, et voilà qui permet, remarquons-le tout d’abord, de rendre parfois certaines syllabes plus longues, dans la diction, avec du coup des accents dans la succession sinon trop monotone des mots. C’est Mallarmé écrivant dans Hérodiade :

 

Tu vis ! Ou vois-je ici l’ombre d’une princesse ?

A mes lèvres tes doigts et leurs bagues et cesse

De marcher dans un âge ignoré…

Plus loin :

Cet accent de type nouveau aide à la poésie, déjà, puisque forme accrue, il met davantage à distance les sens conceptuel du mot, ce qui fait que filtre entre les notions une lumière qui semble qui vient d’ailleurs dans l’esprit, sinon plus haut.

Enfin, ce :

e muet pallie les carences du vers régulier, syllabes comptées et rime, comme Verlaine l’a si bien vue dans son Art poétique.

J’abandonne ici Yves Bonnefoy, car plus loin il traite des rapports de la prose et de la poésie ! Ce poète a été professeur au Collège de France… Il faut l’écouter ! J’écrirai donc un second papier à son sujet.

JS

août 23rd, 2019 par