L’an passé j’ai lu Les Travailleurs de la mer. Qui le lit encore ? J’ai apprécié ce livre à mille lieux de Vercel.
Quand vous parlez à un de vos amis des romans de Victor Hugo, ils vous citent volontiers Les Misérables. Ils cherchent dans leurs souvenirs et vous citent Cosette, Jean Valjean, les Thénardier… Ils se rappellent avoir lu ça.
1500 pages
Quand un copain chargea le roman sur ma liseuse (qu’il avait remise à jour), je découvris que l’œuvre avait cinq tomes sous-titrés : Fantine, Cosette, Marius, L’idylle rue Plumet et l’épopée rue Saint-Denis, et Jean Valjean ! C’est dire l’ampleur de l’ouvrage ! En livre de poche cela représente 1500 pages ! Il y a dans ces tomes des livres et des chapitre avec des titres. L’oeuvre est cloisonnée, articulée, cohérente et immense.
Si vos amis se souviennent du roman, je doute qu’ils l’aient lu. Je pense qu’ils en ont eu connaissance par des extraits scolaires. Au mieux ils auront lu une édition abrégée. Il en existe ! Je commençais par le tome 1. J’eus droit à quelques 70 pages sur l’évêque de Digne et sur tout son diocèse. Pages qui m’ont passionné où apparaît soudain Jean Valjean libéré du bagne. À la fin du tome, on finit par Fantine, mère de Cosette. Même procédé pour le tome suivant où on apprend tout de la bataille de Waterloo et ou arrive un certain Thénardier, détrousseur de cadavres. Etc.
Hugo adore partir dans de longues digressions, de très longues digressions et nous enseigner l’Histoire à sa façon que je trouve étonnante de précision, d’invention et… de poésie. Il en rajoute à plaisir, tartine des portraits, abuse des mots, utilise des adjectifs ronflants. Il en rajoute, se complaît dans de longues énumérations.
J’avoue cependant avoir accéléré la lecture en sautant les trop longues descriptions de lieux, de personnages, de costumes, de personnages. Hugo adore écrire des discours sur tout. Il en rajoute volontiers !
Et puis c’était l’été et j’avais tant de choses à faire.
Le contexte de la rentrée littéraire
En ce moment, le monde des lettres bruisse de nouvelles sur les livres de la rentrée. La saison des prix commence.
Pas question pour moi de me lancer dans une quelconque analyse de cette oeuvre qui a été l’objet de tant de travaux. J’ai lâchement fait un tour sur Wikipedia. Je livre ici un passage éloquant que je copie ici.
« Les deux premiers tomes des Misérables sont publiés le 3 avril 1862 à grand renfort de publicité, extraits de morceaux choisis dans les journaux et critiques élogieuses. La suite paraît le 15 mai 1862. À cette époque, Victor Hugo est considéré comme un des premiers hommes de lettres français de son siècle et le public se précipite pour lire son nouveau roman.
Les réactions sont diverses. Certains le jugent immoral, d’autres trop sentimental, d’autres encore trop complaisant avec les révolutionnaires. Les frères Goncourt expriment leur profonde déception, jugeant le roman très artificiel et très décevant. Flaubert n’y trouve « ni vérité ni grandeur ». Baudelaire en fait une critique très élogieuse dans les journaux, mais en privé le qualifiera de « livre immonde et inepte ». Lamartine en condamne les impuretés de langue, le cynisme de la démagogie : « Les Misérables sont un sublime talent, une honnête intention et un livre très dangereux de deux manières : non seulement parce qu’il fait trop craindre aux heureux, mais parce qu’il fait trop espérer aux malheureux ». Cette crainte est partagée par Barbey d’Aurevilly qui stigmatise le « livre le plus dangereux de son temps ».
Le livre acquiert cependant un grand succès populaire. Traduit dès l’année de sa parution en plusieurs langues (italien, grec, portugais), il reçoit dans ces pays, de la part des lecteurs, un accueil triomphal. »
N’est-ce pas savoureux ? Les grands de la littérature ne sont guère tendres entre eux !
Le point de vue du romancier que je deviens progressivement :
Je ne prétends à aucune science. Je m’étonne cependant de découvrir un roman gigantesque de liberté. Fallait-il qu’Hugo soit déjà célèbre pour être ainsi édité. De nos jours, un tel ouvrage retiendrait-il l’attention d’un éditeur ?
Il me semble que le roman, tel qu’il est conçu actuellement, doit être assez court et surtout ne pas contenir de développements qui feraient plaisir à l’auteur mais qui ne sembleraient pas être au service de l’intrigue. Foin des passages un peu philosophiques, un peu historiques, qui sentent l’essai. Nous n’aimons pas non plus les longues descriptions.
N’est-ce pas ça le problème ? Il y a un genre et il faut le respecter : roman, polar, récit, biographie, livre d’histoire, livre de philosophie, à chacun son contenu ! Ainsi « Le royaume », ce succès récent de librairie, a gêné. Était-ce un roman, une autobiographie, un essai ? Se piquait-il d’histoire, de science religieuse ? Il est un peu tout ça et cela a perturbé des lecteurs qui me sont proches.
Merci donc Victor Hugo de ton roman qui mélange pas mal de genres…
Comment conclure ?
Je ne vois qu’une chute à mon papier : lisez Victor Hugo, c’est un régal ! Mais c’est long !
Jean, ton article me donne furieusement envie de faire une plongée dans Les Misérables. J’ai longtemps méconnu Victor Hugo et surtout sa poésie que je trouvais « trop »… trop grandiloquente, trop prophétique, trop romantique. Et puis j’ai lu le bouquin de Kauffmann et j’ai découvert un autre aspect de Victor Hugo: son évolution politique qui a abouti aux prises de position des années 1848 où il prend la défense des pauvres, des enfants qui travaillent 10 heures par jour et plus, de ceux qui ne peuvent s’en sortir. A la Chambre, on se moque de lui: il y aura toujours des pauvres, c’est la société qui est faite comme ça, il y a des riches et des pauvres, c’est ridicule de se battre contre les moulins à vent. Et lui ,il écrit Melancholia, et ce n’est plus la même poésie: percutante, amère, utilisant toutes les ressources de la langue et de la prosodie pour mettre le doigt là où ça fait mal. Du coup, j’ai vu Victor Hugo d’un autre œil… Tu nous incites à entreprendre ce long voyage des Misérables: en tout cas,moi je vais y aller. Ce que tu dis des réactions de ses collègues jette aussi éclairage intéressant sur les opinions d’un certain nombre d’auteurs du 19e qui pouvaient être des novateurs, des audacieux et rester empêtrés dans les préventions de leur classe. Ceux que tu cites ne sont pas d’origine modeste, ils sont des héritiers pour la plupart, à des stades divers. Si on ajoute à ça la férocité naturelle des écrivains entre eux…
Connais-tu Charles Dantzig?
Ah ! Maxence ! fidèle lectrice que j’apprécie toujours. Ta réponse complète bien mon article. Je ne connais pas Charles Dantzig. Ce nom évoque la politique et les conflit du XXe. Un certain couloir…
Dantzig est tout à fait contemporain et surtout il pratique le mélange des genres littéraires. On en revient à des préoccupations évoquées souvent. On aura l’occasion d’en reparler.
Merci !
J’ai bien lu « les misérables » in extenso pendant une période de repos forcé en attendant ma deuxième fille. A, l’époque, j’avais le souvenir de mes divers professeurs de lettres versaillais cultivés qui semblaient considérer Victor Hugo avec quelque mépris; trop romanesque, trop peuple… Mon esprit un peu frondeur m’a incité à attaquer cette œuvre grandiose. C’est très long bien sûr, mais réellement passionnant et je me suis régalée; enchantée par le roman et aussi par les nombreuses et longues diversions…
Serais-tu prête à recommencer ? Je lit Notre Dame de paris, je suis moins captivé !