Écrire pour soi et pour d’autres peut-être
Écrire pour épuiser les nuits sans sommeil
Quand ce corps qui vous lâche se tient en éveil
Dire les ingrates tâches qui mobilisent tout l’être
Ecrire en casanier ancré comme à son rocher la patène
Ecrire rivé à son antre comme les abeilles à leur rucher
Comme les bûches à leur bûcher
Ecrire cette nuit ou une autre toute sa peine
Ecrire éveillé par delà les frontières nécessaires
Ecrire quand on le peut dans les jours à finir
Quand on peut pratiquer des plaisirs sans en en frémir
Plaisirs dont le corps et l’esprit sont les bénéficiaires
Ecrire pour sauter la frontière de la bienséance
Ecrire sur tout et sur des riens
Des vers baudelairiens
Mêlant amour et désespérance
Ecrire la guerre à notre frontière si fragile
Ecrire l’anxiété du monde fini
En écho à notre besoin d’infini
Confronté à nos vies qui n’ont rien de futile
Ecrire nos minuscules galères
Ecrire les contraintes les obligations les noirceurs
Quand meurent là-bas nos frère et sœurs
Là-bas où gronde la guerre
Ecrire sans savoir comment garder l’âme sereine
Ecrire pour obéir à cette invincible instance en soi
Qui oblige à vivre jusqu’au bout où que l’on soit
Qui jusqu’à la fin de nos cheminements nous entraîne
Ecrire sur ce monde qui nous écharpe
Ecrire sans relâche alignant nos vers
Pour conter aussi nos petits faits divers
Et tout ce qui dans la vie nous écharde
Ecrire dans un monde de mensonge
Ecrire pour jeter des mots au vent
Pour un salut vrai et fervent
Pour résister au mal qui ronge
Ecrire aussi sur l’amour des vieux
Ecrire sur l’éros
Pour accepter thanatos
Et se moquer des envieux
Ecrire sans cesse sans frontière
Ecrire sur la vie et la mort
Sur l’incertaine arrivée au port
Sur sa vie tout entière