Verbier à la manière de Michel Volkovitch :
L’hellébore – Ce n’est pas une plante que l’on hèle. D’ailleurs hèle-t-on les plantes ? Certaines, peut-être,
l’abhorrent ! Qu’en est-il de cette rose de Noël aux couleurs du deuil que j’adore comme son accent.
Éphémère – Il y a un F qui se cache, suivi du doux mot de mère.
Gibet – Après lui, le supplicié gît bouche bée.
Gai – Avec un Y le mot devient anglais et unisexe.
Établir – Le menuisier a son établi, le bovin son étable. Tous ne souhaitons-nous pas nous établir, ne désirons-nous pas une table, au moins pour écrire ?
Désirs – Ce mot commence par un pluriel et un malentendu. Des ires sont-elles désirables ? Je ne le pense pas. Le S, qui marque le pluriel, en exprime l’infini.
Déblatérer – Ôtez le Dé, vous aurez le son rauque et inharmonieux qu’émet le dromadaire, cet animal rugueux,
étrangement bossu, aux pieds plats, robuste mais point aimable. Remettez le dé, vous écoutez un quidam qui
n’est qu’un chameau ! Dans un autre registre, il ne faut pas laisser des blattes errer…
Royaume – Il y a roi et heaume dans ce mot de notre langue, celle de nos anciens rois.
Un néologisme : L’âmejustice s’émeut de la misère, du sort inégal des hommes. La justice seule n’a pas nécessairement d’âme. L’âme seule n’est pas nécessairement juste ou compatissante.
Récits aux douze mots imposés (A ceux du dessus sont ajoutés un lieu et une couleur.)
Au royaume d’Angkor, rose et vert, l’âmejustice rôde hantée du génocide, de ses désirs et de ses gibets
heureusement éphémères. Le touriste déblatère. Moi qui suis d’humeur gaie y cherche en vain l’hellébore qui
signerait de son violet la fin du deuil qu’il a bien fallu vivre.
ou
Y-a-t-il eu un gibet ici, à Illiers, se dressant éphémère, appuyé au gai ciel bleu ? Proust le savait-il, pouvait-il
l’établir ? Dans son royaume de désirs inassouvis, y avait-t-il une âmejustice qui, sans déblatérer, compatissait à la
mort des êtres, comme l’hellébore violette ?
J.Sebillotte