novembre 26th, 2012 par Jean Sebillotte


Il n’est pas aisé à tous de s’exprimer sur internet, surtout à notre génération. Il n’est pas non plus aisé de parler à un de ses proches de ce qu’il écrit ou produit.  Ceci explique que je recueille de nombreux avis oraux ou écrits tout simplement dans des mails. Je vais tenter d’en traduire certains ici.

1 – A propos de mon blog, cet avis : « Bravo pour ton blog et tout ce qu’il montre de ta vie créatrice et intellectuelle ! Et il est très bien fait. » Voilà qui fait plaisir et qui récompense de l’effort consenti !

2 – A propos de mon roman, j’ai eu certaines conversations avec des proches qui tournent autour de quelques idées centrales.

« Il fallait le faire ! » Autrement dit bravo d’être allé au bout. Fallait-il le publier ? Question que je me pose depuis longtemps (le 10 juin j’évoquais cette question dans ce blog). Dans l’ensemble mes interlocuteurs pensent que j’ai eu raison d’aller au bout, y compris de la publication à compte d’auteur. Moi, je ne sais pas. La question mériterait d’être fouillée. J’esquisse ici quelques considérations à ce sujet. La première : le livre une fois livré au « public » m’est devenu comme étranger et je peux passer à l’œuvre suivante avec l’illusion et la certitude que je l’aborderai avec plus de méthode et de façon plus romancée, en référence à  Kundera ― personne n’a réagi à la citation que j’ai insérée dans Henri ou le legs…. ―. De Kundera j’ai retenu qu’il importait d’avoir un thème fort dans un roman. J’en ai trouvé un que je ne dévoilerai pas ici. Bien sûr j’avais le thème du premier roman mais il n’est pas aussi fort que cela. Seconde considération : avec du recul, je m’aperçois que j’ai eu le culot de parler de l’écriture d’un roman alors que j’en écrivais un pour la première fois, et de façon que je juge imparfaite ! Un troisième point de vue : dorénavant mes proches me demandent ce que je vais écrire…comme s’il était normal et légitime que je persévère !

Mon roman serait « autobiographique. » Enfin ce n’est pas exactement cela : il serait « bien de toi, » (c’est moi qui traduis ainsi la pensée de mes interlocuteurs). Plus précisément « on t’y retrouve,  on y reconnaît tes idées. »  Ou encore : « c’est toi éclaté. » C’est sûrement vrai. Mais il est certain qu’il y a toujours quelque chose de soi quand on écrit…Pourtant que de choses imaginées dans Henri et ses personnages. Aucun qui me soit proche. De Newark et de Bécon-les-Bruyères, je ne sais rien de plus que ce que j’ai écrit. Je n’ai jamais été au Proche-Orient ni au Darfour, ni en Indochine…De la CIA et du pétrole que sais-je ? De la Tunis de ma jeunesse, je n’ai retenu que le nom d’une avenue et d’une famille ! Il est vrai qu’il n’en va pas de même du quartier latin. Quant à Versailles, il m’était commode de l’utiliser puisque j’y habite. En définitive, il y a bien peu de moi, sauf à travers Henri, peut-être, la manie des idées ! Mais suis-je bien placé pour donner un avis ?

L’intrigue étonne. Ce qui me plait. Personne ne m’a dit : « cela me fait penser à… » Voilà un grand compliment non formulé. Il en va un peu de même pour ma peinture et ceci depuis l’origine. De plagiat, point. L’histoire paraît compliquée à certains et presque tous mes lecteurs ont eu de la peine à entrer dans le roman. Là, je me rends compte que j’ai certainement mal goupillé le début, car la suite semble couler plus facilement.

Enfin, mon style n’appelle pas de critiques véritables. Le livre est lisible. Certains ont trouvé qu’il « était bien écrit. » Pour les dialogues, je ne suis vraiment satisfait que du langage de Paulette et du détective final. Voilà une des difficultés du romancier que j’ai découverte et qui me fera beaucoup travailler à l’avenir.

Enfin personne ne m’a dit ou osé me dire : « c’est nul à chier. » Sincérité ou manque de courage ?

Certains par contre ont été sensibles aux fautes d’orthographe et de typographie…

*

Faut-il réécrire un livre déjà publié ? Voici l’avis d’un neveu très cher :

« Je crois du reste, pour ce qui concerne ton roman, et même si je comprends l’envie de le « reprendre », qu’il serait peut-être plus fructueux de te mettre à un autre texte, plutôt que d’en livrer une version de plus. Il est un moment où l’on a « rendu sa copie » et ce qui est perçu comme améliorable est seulement un acquis pour le prochain livre, une conscience de plus de ce qu’est le travail littéraire. De fait, on passe sa vie à se remettre au même « ouvrage », à dire (tenter de) la même chose, mais à chaque fois à partir de briques différentes. Il serait peut-être plus dynamique de démarrer un autre projet, nourri de toute l’expérience acquise, quitte à reprendre des manières et propos déjà travaillés et mis en mots dans cet « Henri » inaugural. Pour ma part, je n’en ai pas encore repris la lecture, car il me reste bien en mémoire (dans ses états antérieurs successifs) et je crains si je ne laisse pas passer un peu de temps, de ne pas être suffisamment « naïf » pour goûter cette version largement revue. »

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Voici un autre échange à propos d’Henri : Tout part d’un mot reçu le 15 octobre 2012

Cher Jean,

 J’ai bien reçu votre livre et ai attendu de l’avoir lu pour vous parler. Il est d’une telle richesse et d’une si grande complexité narrative et thématique qu’au début on s’y perd un peu, et que sa lecture demande un constant effort de récapitulation, de repérage, de “rétablissement”. Il y a de très belles pages sur le plan humanitaire et historique, votre expérience est un riche terreau, et on comprend que vous ayez voulu en faire un livre. Mais étant donné la problématique de la narration, et le “mystère” d’un legs qui livre sans livrer tout en livrant, peut-être, le mystère essentiel, j’aurais aimé que votre livre fût plus volumineux, car il me semble que vous pouviez “exploiter” (pardon pour ce verbe) tout ce vécu avec plus de “littérature” (au bon sens du mot, je crois qu’il y en a un…).

On s’attache beaucoup au personnage d’Henri, qui cultive avec un grand art, voire un peu de perversité, les zones obscures de sa vie. Le lecteur que je suis, et qui a beaucoup aimé et étudié l’auteur sous l’auteur, les personnages cachés dans le je, qui cumule l’universalité des pronoms de la conjugaison, a parfois regretté, comme “l’équipe rédactionnelle” de sa vraie-fausse et impossible autobiographie, d’être souvent promené d’une hypothèse ou d’une angoisse à une autre… Même si j’ai été sensible, bien sûr, en tant qu’ancien étudiant parisien, à tout ce qui passe dans votre livre de notre lourd et compliqué passé (le passé ne l’est-il pas toujours) ?

Votre livre est une sorte de gageure, de lutte contre le temps, l’oubli, les erreurs commises ou omises tout au long de nos existences. C’était très audacieux, et je ne vous dirai pas, très franchement, que votre pari est entièrement gagné, mais qu’on ne peut rester insensible à ce que vous avez voulu dire – et qui est si difficile à dire

Ce qui m’a principalement épaté, dans votre livre, qu’on hésite quand même à appeler un roman, c’est votre vaste connaissance de quantité de problèmes politiques, nationaux ou internationaux, que vous exposez parfois de façon trop elliptique ou trop savante pour le lecteur moyen que je suis (en économie en tout cas !), et qui doivent intimider pas mal de “littéraires”. Un peu plus de “lubrifiant” psychologique ou littéraire m’aurait personnellement aidé à suivre le développement et l’action de vos personnages, qui sont très peu décrits “de l’extérieur”…

Ne prenez pas mes remarques, cher Jean, pour une critique négative de votre livre, je vous remercie de me l’avoir adressé et ai pris beaucoup d’intérêt à faire le tour de ce “monument à Henri”. Je me demande même, indiscrètement, comme doit le faire tout lecteur accroché, quelle part de vous-même il y a chez Henri. C’est le grand et éternel secret de la littérature, qui fait semblant de livrer des clés, alors qu’elle verrouille bien davantage les placards avec leurs “cadavres” !…

Un dernier point (mais non le moindre !). Je dois vous avouer franchement que je ne trouve pas l’aspect typographique et orthographique de votre livre “à la hauteur” de son ambition et que, sans être spécialement puriste, je regrette que votre imprimeur n’ait pas eu dans son équipe quelqu’un capable de relire attentivement le texte, pour éviter les très nombreuses coquilles…

Cher Jean, merci encore de votre envoi et de votre confiance, je vous adresse l’expression de mes sentiments les plus amicaux,

 Jean-Paul Colin

Ce que j’ai écrit le 18 octobre 2012

Cher Jean-Paul,

Je tarde, je tarde…avec de bonnes raisons. Mais elles n’excuseraient pas un silence trop prolongé.

Votre longue analyse m’a beaucoup plu. OK mille fois pour la forme typographique et orthographique. C’est le piège de l’auto édition !

Sur le volet « autobiographique », je répondrai plus tard.

Reste la longueur, la difficulté d’entrer dans le livre et autres défauts. J’en suis conscient. Je peux même dire que j’en étais conscient au moment du passage à l’acte de l’édition.

Enfin, il y a cette question de la « littérature » et du « roman. » C’est bien difficile. Par analogie je pense à mon fils hautboïste qui se désolait du son de son instrument, son qui n’était pas assez « rond. » Comment définir la rondeur de ce son du hautbois ?

Sachez que je suis tenté par la réécriture partielle de cet ouvrage (en en changeant le titre…simplement). Pour le début du roman je vois bien que j’ai trop compliqué les choses. Il fallait adopter une chronologie différente. Le personnage de François est trop « pâle, »  etc.  De manière littéraire pourquoi ne pas introduire un narrateur omniscient extérieur au « Je » actuel. Bref il y a des tas de choses à améliorer…

Je complèterai ultérieurement cette réponse rapide !

Très cordialement et mille mercis pour cette lecture attentive et justement critique.

Jean S.

PS – Je me suis lancé dans un blog. En voici l’adresse :  https://jean-sebillotte.fr/. Est-il concevable que j’y intègre votre texte ? A moins que vous ne le mettiez vous-même en commentaire ? A moins que vous ne souhaitiez pas de publicité, mais qui connais Jean-Paul sans son nom de famille ?

 Réponse de Jean-Paul Colin du 18 octobre

Cher Jean,

 

Merci de votre réponse, on pourra recauser de tout cela, je pense ! D’accord pour me “faire de la pub avec votre blog ! L’amour-sale d’auteur, on sait ce que c’est ! »

Bien amicalement,

Jean-Paul

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